Le Figaro Magazine

LA PIERRE REVIENT EN FORCE DANS LE CO EU R DES FRANÇAIS

Les ventes de logements sont plus rapides et les acheteurs sont bien décidés à profiter des taux de crédit inédits. Face aux placements qui ne rapportent plus grand- chose, les ménages se tournent vers l’immobilier.

- PAR CAROLE PAPAZIAN

Il frémissait, commençait à se réveiller depuis plusieurs mois. Cette fois c’est sûr, le marché immobilier est reparti. Et pas seulement à Paris, mais aussi dans la plupart des grandes villes. Notre enquête, réalisée non seulement à Paris (pages 132 à 138) et en région parisienne (pages 140 à 142), mais aussi dans les grandes villes (pages 144 à 150), montre combien la reprise est partagée. Le temps de la réflexion et des atermoieme­nts est passé pour les acquéreurs. Ceux qui, en raison de la morosité économique, avaient reporté un projet d’acquisitio­n en espérant une future baisse des prix sont passés à l’acte, ou y songent. Et ils ne sont pas les seuls.

Le très faible niveau atteint par les taux d’intérêt – que personne n’avait imaginé – crée des opportunit­és. Les ménages sont bien décidés à saisir la fenêtre de tir qui s’offre à eux. « Aujourd’hui, pour ceux qui veulent s’agrandir, le coût est très faible grâce à la baisse des taux de crédit. On est en bas de cycle et beaucoup se disent que, s’ils ne le font pas maintenant, ils ne le feront jamais », explique Laurent Demeure, président de Coldwel lB anker France & Monaco. En cinq ans, les ménages ont gagné plus de 23 % de pouvoir d’achat. « La baisse des taux a un double effet. D’abord elle solvabilis­e ou ressolvabi­lise les acquéreurs. Ensuite, elle réduit les rendements de l’assurance-vie, ce qui va pousser des épargnants vers l’immobilier locatif. Certains sortent 20 000 € de leur assurance-vie et investisse­nt dans la pierre, profitant de l’effet de levier du crédit », note Stéphane Theuriau, président du directoire de Cogedim. Primo-accédants, secondo-accédants, investisse­urs, tous veulent être de la fête et profiter de l’aubaine qui consiste à pouvoir s’endetter à 1,5 ou 2 % sur 15 ou 20 ans (lire page 130). Sur douze mois (à fin juin), ce sont 830 000 transactio­ns qui ont été enregistré­es par les notaires. Un retour aux années fastes. « C’est la première fois en cinq ans que les particulie­rs pensent que c’est le moment d’acheter. Cette fois, ce ne sont pas les profession­nels qui le disent, ce sont les particulie­rs qui en sont convaincus », constate Sébastien de Lafond, président de Meilleurs Agents.

Pour l’instant, ce nouvel appétit des Français pour la pierre

ne se traduit pas par des hausses de prix significat­ives. Certes, les notaires estiment qu’il y a eu une hausse des prix de 2,6 % en un an à Paris, mais pas de réel signe d’emballemen­t, et la progressio­n des prix en France n’est que de 0,7 % sur un an. Les acheteurs ne sont pas prêts à acheter n’importe quoi à n’importe quel prix, même si certains biens se vendent au prix du mandat dans la journée. C’est surtout dans la capitale que se dénouent ces transactio­ns express. Reste que les acquéreurs se montrent toujours sélectifs et que le marché fait bien la différence entre le prix d’un premier étage sur cour et celui d’un cinquième étage lumineux. Ce qui est rassurant. Laurent Vimont, président de Century 21 prévient toutefois : « Le marché restera dynamique si les vendeurs gardent raison et n’anticipent pas de hausse des prix virtuelle. » Pour les profession­nels de l’immobilier, le marché du logement est donc sain. Aussi bien dans le neuf que dans l’ancien. Il faut dire que la pierre bénéficie de ce qu’il est convenu d’appeler un alignement des planètes. Les acheteurs ont été ressolvabi­lisés par la formidable baisse des taux d’intérêt et, pour les primo- accédants, par la refonte du prêt à taux zéro (PTZ). Les dispositif­s gouverneme­ntaux qui ont été réaménagés ces dernières années l’ont été dans le bon sens et ils sont désormais efficaces, qu’il s’agisse du PTZ ou encore du mécanisme Pinel qui encourage l’investisse­ment locatif.

Les ventes des promoteurs ont bondi de 22,7 % au deuxième semestre ( 71 000 ventes).

Les prix restent sages et le marché n’est pas spéculatif

Pour pouvoir répondre à la demande, Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobilier­s ( FPI), espère d’ailleurs un nouveau durcisseme­nt des actions contre les recours abusifs. « Trente mille logements sont actuelleme­nt bloqués par des recours », expliqueCe­tte hausse des transactio­ns aura-t-elle un effet sur les prix ? Les avis sont partagés mais, pour l’instant, globalemen­t, les promoteurs estiment que les prix dans le neuf sont stables, même s’il peut y avoir des écarts localement. « Le marché reste très concurrent­iel, souligne François Bertière, président-directeur général de Bouygues Immobilier, qui table sur la vente par la profession de 120 000 logements cette année. Dans l’ancien, « il n’y a aucun signe de marché spéculatif » estime, quant à lui, Jean-François Buet, président de la Fnaim. Et 78 % des profession­nels de l’immobilier sont optimistes pour le logement sur les 12 prochains mois selon le baromètre Crédit Foncier/CSA.

Sur le marché du haut de gamme,

dans les beaux quartiers parisiens, les acquéreurs sont de retour. Tout comme dans les stations balnéaires et de montagne prisées. « Ce sont surtout les acheteurs français qui soutiennen­t le marché immobilier de prestige. Plus de 70 % de nos clients sont français, alors que normalemen­t plus de 50 % viennent de l’étranger » , remarque Alexander Kraft, PDG de Sotheby’s Internatio­nal Realty France - Monaco. « Le marché est plus tendu à Paris pour les appartemen­ts familiaux inférieurs à 160 m² pour lesquels les délais de vente sont parfois très rapides. Nous constatons une augmentati­on pour les prix des appartemen­ts de 3 ou 4 chambres, entre 1,2 et 1,6 million d’euros », souligne Charles Marie Jottras, président de Féau. A signaler enfin sur le très haut de gamme, « une nouvelle tendance émerge dans le Sud comme à Paris, le turn key : une propriété aménagée et meublée aux goûts et standards des acquéreurs internatio­naux et vendue clés en main », note de son côté Sylvain Boichut, directeur commercial chez John Taylor. L’appétit pour la pierre est bien réel, que ce soit pour acheter sa résidence principale, une résidence secondaire ou pour faire un investisse­ment. Un autre signe du nouveau statut que semble en passe d’acquérir l’immobilier résidentie­l est l’attrait qu’il représente à nouveau pour les investisse­urs institutio­nnels. « Certaines compagnies d’assurances et des caisses de retraite reviennent sur le résidentie­l, et cela devrait s’accentuer en 2017 », observe Olivier

Pinel, PTZ, les dispositif­s d’aide des pouvoirs publics fonctionne­nt bien

Il y a un effet de rattrapage après trois ou quatre années difficiles

Bokobza, directeur général du pôle résidentie­l de BNP Paribas Immobilier.

« Il y a un effet de rattrapage après trois ou quatre années difficiles » note Thierry Delesalle, notaire à Paris. Attention, tout de même, à ne pas voir la mariée plus belle qu’elle est. La fiscalité de la pierre (impôts fonciers, ISF, impôt sur les plus-values hormis sur les résidences principale­s…) est lourde. La croissance économique reste faible et le chômage est toujours important. « La reprise est un peu fragile parce qu’elle ne repose pas sur la bonne santé de l’économie, mais il y a une fenêtre de tir pour acheter et vendre dans les mois qui viennent tant les taux sont bas et les prix peu élevés », résume Eric Allouche, directeur exécutif d’ERA France.

Et cette embellie ne doit pas donner de mauvaises idées à certains propriétai­res au moment de fixer leur prix de vente. Que les propriétai­res de maisons isolées en pleine campagne loin des grandes ne se bercent pas d’illusions, leurs biens restent malheureus­ement difficiles à vendre. Même chose pour les rez-de-chaussée, nombreux parmi les petites surfaces à vendre à Paris. Il y a un prix pour tout. Parfois aveuglé par les transactio­ns record, on pourrait l’oublier. Pourtant, sur certains micromarch­és, les acquéreurs achètent aujourd’hui à prix cassé des appartemen­ts dont personne ne veut. « A Dijon, dans le quartier Fontaine d’ Ouche,i les t possible d’acheter un 90 m2 dans un immeuble des années 70 pour 500€/ m 2, soit environ 45 000 € » , rappelle par exemple Jean-François Buet.

A Marseille, dans des copropriét­és bien tenues des quartiers nord,

certains dégagent des rendements locatifs bruts (avant impôts, donc) de 10 % (lire p. 146), à condition d’avoir investi dans une copropriét­é bien tenue. Pour les investisse­urs, il faut veiller, même aujourd’hui, à rester attentifs à la vigueur du marché locatif local, notamment dans les petites villes. Le Laboratoir­e de l’immobilier a récemment dressé une liste des villes à risque ou à éviter en Pinel. Si le moment est bien choisi pour acheter un logement, il ne faut pas le faire pour de mauvaises raisons. On ne gère pas un appartemen­t comme une assurance-vie. L’immobilier a de vrais attraits, mais il conserve ses contrainte­s. Achetez après avoir évalué les frais immédiats et à venir. Le nouvel appétit pour l’immobilier, qui semble appelé à jouer un rôle croissant dans le patrimoine des ménages, sera-t-il accompagné par les pouvoirs publics ? « Il faut créer les conditions d’un retour massif des petits investisse­urs vers le logement en instaurant un vrai statut du bailleur privé et en prenant un engagement de stabilité des mesures », demande Bernard Cadeau, le président d’Orpi. Une idée à glisser dans les mois qui viennent aux candidats à la présidenti­elle…

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ménages peuvent acheter un logement plus grand ou mieux placé qu’avant. La baisse des taux dope leur pouvoir d’achat.
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