Le Figaro Magazine

CE QU’ON NE VOUS A JAMAIS DIT SUR TINTIN

Alors que le Grand Palais consacre une gigantesqu­e exposition à Hergé, Tintin a encore des secrets à révéler, après 24 histoires, 250 millions d’albums vendus, et plus de 600 livres qui lui ont été consacrés !

- PAR OLIVIER DELCROIX

LeGrand Palais lui consacre une exposition à partir du 28 septembre, le journal Tintin fête son 70e anniversai­re, Albert Algoud publie en octobre un Dictionnai­re amoureux de Tintin dont Le Figaro Magazine s’est procuré les bonnes feuilles. Cet automne, Hergé revient sur le devant de la scène culturelle par la grande porte… Son héros n’a cessé de parcourir le monde : à pied, en train, en voiture, à moto, en bateau, dans un sous-marin, en avion. E t même à bord d’une fusée à damiers rouge et blanc. Dans l’imaginaire collectif, Tintin reste l’infatigabl­e personnage emblématiq­ue de notre enfance qui, accompagné de son fidèle Milou, éclaire tous les mystères du monde. Pourtant, plus d’un siècle après la naissance de son créateur Hergé (1907-1983), cet intrépide personnage de papier continue de fasciner enfants et adultes de 7 à 77 ans.

Le 26 septembre 1946, paraissait le premier numéro du journal Tintin, aux Editions du Lombard. L’intrépide enquêteur aux culottes de golf reste, soixante-dix ans plus tard, le véritable reporter du XXe siècle. Houppette au vent, il incarne la vitesse, le progrès, l’informatio­n, la vaillance, et la fidélité en amitié. Sur l’écran du monde, à chaque nouvelle aventure, il indique le temps qui passe. Le globe-trotter, lui, ne vieillit pas. Dix ans après l’exposition du Centre Pompidou, les galeries nationales du Grand Palais ont décidé, en collaborat­ion avec le musée Hergé de Louvain-la-Neuve, de célébrer à leur tour le génie d’Hergé. C’est pratiqueme­nt la première fois que la bande dessinée pénètre de manière aussi officielle dans l’enceinte du Grand Palais. Seul Hugo Pratt avait eu cet honneur, en 1986, grâce à l’initiative de La Maison des cultures du monde, dans un espace qui lui avait été alloué pour l’occasion. Pour Tintin, les commissair­es ont fait les choses en beaucoup plus grand. Dix salles – pas moins – sont consacrées à Hergé et son oeuvre. Entre la « Grandeur de l’art mineur », « Le succès et la tourmente », « Une famille de papier », « La leçon de l’Orient » et « La naissance d’un mythe », ce parcours muséal va dessiner le portrait d’un artiste perfection­niste et visionnair­e qui a enfermé le XXe siècle dans 24 albums, le tout nimbé d’humour. Ce qui ressort à tout coup, c’est qu’Hergé a accouché d’une oeuvre plus immense que lui. Dans le monde se sont vendus plus de 250 millions de ses albums , traduits dans des centaines de langues. Sans oublier les adaptation­s cinématogr­aphiques dans les années 60 avec Jean-Pierre Talbot, et celle de Steven Spielberg en 2012, ni les 600 ouvrages qui ont été consacrés au téméraire reporter. Ce qui prouve bien que même si aucune nouvelle aventure de Tintin n’a vu le jour depuis trente-trois ans, Hergé reste le colosse du neuvième art.

HERGÉ EST LE JULES VERNE DU VINGTIÈME SIÈCLE ”

Aujourd’hui encore, le pinceau lumineux de sa ligne claire instruit les petits et grands navigateur­s de la BD. Plonger de génération en génération dans les albums de la geste hergéenne est un authentiqu­e bain de jouvence, que le jeune Belge Georges Remi (qui créa son pseudonyme en inversant les initiales de son nom) était loin d’imaginer en 1929 en dessinant les premières cases de Tintin au pays des Soviets dans Le Petit Vingtième.

Comme aime le répéter le philosophe Michel Serres, qui fut l’un de ses grands amis : « Hergé est le Jules Verne du XXe siècle. Il est à l’origine d’un art neuf. Celui de la bande dessinée. J’ai toujours été fasciné par les débuts d’un nouveau moyen d’expression artistique. Cela ressemble au jet d’eau d’une fontaine. Bien sûr, après le jaillissem­ent primal, le flux s’amplifie, se développe en corolle, se ramifie et occupe l’espace. Mais ce qui me passionne, c’est la source. Pour moi, Hergé symbolise cette source. Chez lui, chaque case est un tableau, construit comme un Véronèse, comme un Carpaccio. Je pense que le génie d’Hergé est à ranger à côté des Montaigne ou des Rabelais. » A force d’analyser les albums d’Hergé, on a parfois pu croire qu’ils finiraient par délivrer tous leurs secrets. Ce serait faire affront au mystère de la création. Les 24 Aventures de Tintin, comme autant de repères sur le cadran solaire hergéen, ont su garder leur part d’ombre. Certes, l’exposition du Grand Palais va permettre d’affiner notre connaissan­ce de l’oeuvre, confronter le créateur à ses racines, voir comment sa création s’est construite dans son temps et dans l’histoire de l’art. C’est aussi l’objectif du Dictionnai­re amoureux de Tintin signé Albert Algoud (Plon le 6 octobre), dont Le Figaro Magazine s’est procuré les bonnes feuilles. Pourtant, tels des indices d’une quête infinie, Hergé a su planter dans le flux des cases de ses albums des petits mystères, comme autant de cailloux blancs, des pierres précieuses et autres pépites d’humour, qui se révèlent souvent à l’occasion d’une relecture. Savez-vous quand est apparue la houppe de Tintin – ce « petit accent » comme disait Hergé, qui donna une âme à son héros de papier ? Saviez-vous que le fringant reporter avait failli jouer les sourciers dans L’Or noir ? Qu’Hergé avait décidé de peindre une quarantain­e de toiles abstraites dans les années 60, que le Grand Palais montrera (ce qui reste très rare)… Sans compter les dernières informatio­ns sur la suite des Aventures de Tintin au cinéma, toujours orchestrée­s par Steven Spielberg… Autant de secrets que nous vous dévoilons. OLIVIER DELCROIX

« Hergé », au Grand Palais, du 28 septembre au 15 janvier 2017 (magnifique, le catalogue est publié par Moulinsart et la RMN, 304 p., 35 €).

A lire : Hergé intime, de Benoît Mouchart et François Rivière (Robert Laffont, 260 p., 19,50 €) ; La Grande aventure du journal Tintin 1946-1988, Le Lombard, 777 p., 49 € ; Hergé mon ami, de Michel Serres (Le Pommier, 144 p., 17,50 €, réédition).

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France