CITROËN N’ABANDONNE PAS LA GRANDE BERLINE
En exclusivité, « Le Figaro Magazine » a suivi les grandes étapes de la réalisation de CXperience, une étude qui annonce le retour de la marque aux chevrons sur le segment des grandes routières.
Ala découverte de CXperience, la question va revenir en boucle pendant toute la durée du Mondial de l’automobile : « Citroën est-il enfin de retour dans la cour des grands ? » On sait que les attentes sont immenses à l’égard du constructeur réputé pour avoir donné naissance à toute une lignée de grandes routières incarnées par la Traction Avant, la DS, la SM, la CX, la XM et la C6. Si ce patrimoine historique et technique lui confère toute légitimité pour poursuivre l’histoire, depuis que le label DS est devenu une marque indépendante (la troisième du groupe PSA) en charge de représenter les intérêts de l’entreprise dans le haut de gamme, de nombreuses voix s’interrogent sur le rôle assigné à Citroën. La marque aux chevrons allait-elle hériter des miettes d’une stratégie mettant en avant Peugeot et DS ? Allait-elle être assignée à se concentrer sur les segments de véhicules délaissés par les deux autres marques ? Impensable. On ne danse jamais correctement sur une seule jambe. Surtout dans l’industrie automobile où le succès de chaque marque est essentiel à la santé de l’ensemble. Si PSA a mis du temps à mener le chantier de repositionnement de chacun de ses labels. Mais chaque jour qui passe nous éclaire un peu plus sur la direction prise par les trois marques.
Début juillet dernier, un déplacement à l’ADN, le centre de création de PSA implanté à Vélizy, en région parisienne, suffit à changer la perception un peu floue que nous avions de l’orientation de Citroën. Dans le huis clos de ses ateliers, la marque de l’ex-quai de Javel prépare depuis plus d’un an rien de moins que son retour dans le segment des grandes routières. Un événement. « Nous avions à coeur de montrer notre attachement au territoire de la grande berline tout en respectant notre patrimoine et les nouveaux codes » , nous confie Alexandre Malval, le directeur du design Citroën. A l’instar de chaque programme, tous les stylistes ont été invités à plancher. Le lauréat de cette compétition interne n’est autre que Grégory Blanchet, déjà auteur des lignes du concept Aircross. Visiblement, l’homme sait mettre des formes sur la signature de marque « Be different, feel good ». Pour l’anecdote, c’est à partir d’un dessin en trois quarts arrière vu de dessus que la direction du style l’a choisi. Passée cette épreuve, s’est
AVEC CXPERIENCE, CITROËN TENTE UNE NOUVELLE APPROCHE DU CONFORT
ouverte la séquence la plus longue (près de sept mois) et la plus importante : le développement de tous les sketchs en 3D et la prise en compte des contraintes techniques. En parallèle, les prototypistes ont commencé leur travail afin de respecter les délais. « La réalisation d’un concept de salon s’apparente à une course contre la montre » , avise Patrick Arnaud, le chef de projet. Pour les aider dans cette tâche, les concepteurs et les designers s’appuient sur la puissance des nouveaux outils informatiques tels que la réalité augmentée permettant de visualiser dans la vraie vie un véhicule n’ayant pas d’existence physique. A l’arrivée, en intégrant tous les corps de métiers, y compris les selliers, ce projet a mobilisé près de 60 personnes.
Au milieu de l’été, alors que les Français peaufinent leur bronzage, l’équipe Citroën est en effervescence, face à un sérieux dilemme : décider du nom et de la couleur de son concept. Pour cette dernière, l’équipe plaide pour un jaune qui serait coordonné à la sellerie jaune agrume. Fin août, surprise, l’étude arbore un inédit vert d’eau nacré mettant en valeur un mélange de surfaces souples et acérées. Le nom de baptême « CXperience » est un clin d’oeil à la CX qui a été l’une des sources d’inspiration. Dans l’univers hypernormé du haut de gamme, Citroën apporte une réponse décalée mais dans le droit fil de son histoire. Autour d’un modelé de formes jouant l’apaisement et le confort, on retrouve les fondamentaux de la marque : une silhouette aérodynamique, longue et surbaissée ; l’asymétrie de traitement entre l’avant et l’arrière, la calandre à double étage, le pare-brise très incliné, le pavillon fuyant se terminant sur une lunette concave, le porte-à-faux arrière abrégé.
L’habitacle accessible depuis des portes à ouverture antagoniste et échancrées dans le pavillon rompt aussi avec les normes du segment. « Nous avons voulu montrer que le haut de gamme peut avoir d’autres modes d’expression que le cuir et le bois laqué » , dit Jean-Pierre Ploué, patron du design de PSA. Les quatre sièges individuels multiplient les références à l’univers du mobilier et de la décoration. Ils sont drapés d’un tissu lainé et équipés de mousses offrant un niveau de confort similaire à celui de la literie. Le bien-être des occupants découle également d’un espace épuré. Le prototype CXperience nous transporte dans le futur qui se signalera par la disparition de tous les boutons. L’ensemble des fonctions du véhicule est désormais regroupé au sein d’une dalle tactile de 19 pouces au format 16/3 installée au centre de la planche de bord. Celle-ci en feuille de noyer tramée en 3D revêt la forme d’un rondin de bois ouvert. La cavité recouverte de la laine tissée entre en résonance avec les alcôves garnissant les portes avant. Enfin, CXperience va réconcilier les adeptes des moteurs puissants avec les voitures françaises. Grâce à la fée Electricité, ce projet de berline peut délivrer jusqu’à 300 ch en combinant les 200 ch du 4 cylindres essence THP avec le module électrique de 80 kW (110 ch). Un nouveau modèle PSA inaugurera cette chaîne de traction hybride rechargeable en 2019. D’ici là, le destin de CXperience sera connu.