Le Figaro Magazine

CONTRE LES RADICAUX LIBRES

-

CComme d’habitude, Ce qui est certain, omme d’habitude,

on nous a raconté l’histoire en noir et blanc. D’un côté les forces de progrès, la Commission européenne et le monde économique, anges gardiens de la croissance et de la liberté du commerce. De l’autre, une assemblée puérile, même pas nationale, le ridicule Parlement wallon, qui ose se mettre en travers d’un accord européen de libre-échange avec le Canada.

Comme d’habitude,

on a couvert d’opprobre les rustres qui refusaient l’ordre européen en les accusant de populisme, la dernière injure à la mode. Les contestata­ires sont d’ailleurs bien vite rentrés dans le rang, et le fameux Ceta a fini par être voté, avec les poignées de main, sourires et photos officielle­s de rigueur.

on n’a pas pris le temps de se poser les vraies questions. Celle-ci par exemple : le libre-échange est-il nécessaire­ment un facteur de progrès pour les nations qui s’y conforment ? Et si oui, sous quelles conditions ? La réponse n’est pas si évidente : la mondialisa­tion a sorti des centaines de millions de personnes de la misère, mais elle a aussi détruit des pans entiers de l’industrie européenne, plongeant des territoire­s dans une dépression durable.

c’est que l’ouverture des frontières ne devrait pas être une fin en soi mais un instrument au service des peuples. Et le problème avec la Commission européenne, qui a reçu délégation des Etats membres de l’Union pour négocier les traités commerciau­x, est qu’elle en a fait un absolu, une véritable religion. Au même titre que la concurrenc­e, au nom de laquelle elle a délibéréme­nt bloqué des rapprochem­ents entre grands groupes industriel­s, empêchant l’émergence de champions européens.

Les théoricien­s du libre-échange

nous ont appris que celui-ci était profitable pour les deux parties quand il s’effectuait entre des économies de taille et de puissance comparable­s. Ce fut indéniable­ment le cas pendant le demi-siècle qui a suivi la dernière guerre mondiale. Mais le jeu de l’économie mondiale a été rebattu depuis : les Gafa (Google, Apple, Facebook et autres Amazon) sont en train devenir plus puissants que les Etats et s’affranchis­sent joyeusemen­t de toutes les règles communes, qu’elles soient commercial­es, fiscales ou relatives à la propriété intellectu­elle. La Chine a rejoint les Etats-Unis au premier rang des puissances mondiales, sans respecter pour autant les normes jusque-là en vigueur dans le club des vieux pays développés. Elle dispose de moyens financiers illimités contrôlés par l’Etat, manipule sa monnaie à sa guise et impose ses règles du jeu à quiconque s’aventure chez elle.

Evidemment, il n’est pas question

pour autant de se retrancher derrière nos frontières. Le protection­nisme érigé en système est aussi nocif qu’un libre-échangisme sans bornes. Et peut-être l’accord commercial avec le Canada se révélera-t-il finalement profitable. Mais, entre une administra­tion européenne trop souvent aveuglée par ses principes et l’émergence de concurrent­s sans foi ni loi, il est temps de revoir les règles du jeu. En matière commercial­e aussi, il faut rendre le pouvoir aux Etats.

NE SACRIFIONS PAS LES INTÉRÊTS EUROPÉENS

À LA RELIGION DU LIBRE-ÉCHANGE

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France