Le Figaro Magazine

LE CONFORT SANS L’EFFORT

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Une chaîne d’informatio­n en continu interrogea­it l’autre jour l’un de ces policiers qui manifestai­ent, par milliers, à travers le pays. Son visage était flouté, son prénom modifié. Quelle était la première raison de sa colère ? « Je ne me suis pas engagé dans la police pour faire des gardes disait-il. Il avait 22 ans. Il sortait à peine de l’école, depuis moins de deux ans sans doute. Etait-ce un propos passionné ou déjà l’expression d’un vieux syndicalis­te ?

Il n’est pas un cas à part. Le jeune soldat dira : « Je ne me suis pas engagé dans l’armée pour faire la sentinelle », le jeune médecin, « Je n’ai pas fait sept ans d’études pour être de garde », le jeune prof, « Je ne suis pas là pour jouer le garde-chiourme », etc. Le jeune embauché dans une entreprise demande à son DRH : « Quel sera mon profil de carrière, mon régime de retraite ? » Où ont-ils donc appris ça ? Qu’est-ce que cela signifie de l’état moral de notre société ? Revenons à notre jeune policier et à ses gardes statiques : il est vrai que c’est une mission assommante (mais va-t-on envoyer des vigiles privés à l’Elysée, au ministère de l’Intérieur ou devant les ambassades sensibles ?). Pourtant, une garde, cela reste une responsabi­lité. C’est surtout une forme d’apprentiss­age, un temps d’initiation, une voie de passage pour viser plus haut, faire autre chose que monter la garde et noircir du papier, en occupant la rue et en chassant les délinquant­s, pour exercer enfin son « métier » ! Mais où serait sa grandeur sans ses servitudes ? Celles-ci ne sont que la contrepart­ie de celle-là. Mais ça, nos jeunes gens ne veulent pas le savoir. Personne ne le leur a enseigné, ou bien peu (excepté dans les armées), et trop de jeunes ont perdu toute notion de hiérarchie, du sens de leur mission, de l’autorité qui, partout, fait défaut. Certes, celanedate­pasd’hier !Maisc’estdevenuu­nemaladiec­ontagieuse qui ne cesse de gagner. Quand le gouverneme­nt dit aux policiers pour les calmer : « On vous a compris, des agents de sécurité privée vont vous remplacer pour vos gardes », cela signifie que l’Etat cède, même symbolique­ment, une part de ses fonctions régalienne­s. Il continue de s’effacer. Or c’est cet abandon d’autorité, donc de justice, qui est à la source de la crise dans la police. C’est cela qu’il aurait fallu corriger. Et les policiers n’auraient pas besoin de vigiles pour faire leur métier.

Où serait la grandeur sans les servitudes ?

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