L’HYPOTHÈSE FILLON PREND DE L’ÉPAISSEUR
POURQUOI, DANS LA PRIMAIRE DE LA DROITE,
Et si c’était Lui ? Lui, Alain Juppé ? Non, car il a déjà gagné pour ses soutiens et les observateurs, qui en sont à préparer le « jour d’après » ! Lui, Nicolas Sarkozy ? Non, car personne ne remet – encore – en cause sa place au second tour de la primaire, même s’ils sont de moins en moins nombreux, autour de lui, à croire en sa possible victoire. Alors, Lui, Bruno Le Maire ? Bruno le renouveau, mais qui n’a jamais réussi à trancher autrement que par son âge ! Pas lui non plus Copé, ni Poisson, et pas elle, NKM, qui ne parviennent pas à transformer leur parcours en autre chose qu’une candidature de témoignage. Ou à un poste ministériel.
Alors, Lui qui ? François Fillon. Habileté de communicant ou réalité politique ? Les deux, mon général. Fillon était donné perdant depuis le début. Pas de charisme, pas d’audace, pas de caractère, disait-on. Un éternel second, ironisait-on. De Séguin, de Chirac, de Sarkozy. « Pas un mâle dominant », avait tranché Sarkozy.
Et puis, les défauts annoncés de Fillon se sont retournés en sa faveur. Son programme économique était le plus solide et le plus cohérent ; il lui donnait un petit côté Thatcher, même si c’était avec trente ans de retard. Mais tous les autres candidats de la primaire lui ont apporté de la crédibilité en s’alignant peu ou prou sur lui, alors même que la France et le monde d’aujourd’hui cherchent plutôt à corriger les conséquences funestes du thatchérisme mondialisé. Mais ce quasi-unanimisme économique a permis à Fillon de s’échapper ailleurs. De faire entendre sa différence. De se désaligner de l’occidentalisme pro-américain du duo Sarkozy-Hollande. De lui préférer les charmes de l’alliance russe, et le dialogue avec l’Iran et la Syrie d’Assad. De rappeler qu’il avait voté non à Maastricht. D’évoquer avec nostalgie son séguinisme. Et même de frapper sans lésiner sur « le totalitarisme islamique ». Cette petite musique souverainiste contrastait drôlement avec son discours économique libéral. Il n’en fallait pas plus pour séduire quelques esprits soucieux avant tout de faire barrage à Alain Juppé.
C’est ainsi que vogue cette première primaire de la droite. On ne préfère pas, on « fait barrage ». Avec d’autant plus de ferveur que tout le monde est persuadé que le vainqueur de la primaire à droite sera automatiquement celui de la présidentielle. Les uns élisent Juppé pour « faire barrage » à Sarkozy. On aurait pu croire que l’électorat le plus résolu à droite choisirait Sarkozy pour « faire barrage » à Juppé.
Mais ce barrage-là prend l’eau. Le discours « identitaire » de l’ancien président sent trop sa tactique, « son gros rouge qui tache », son absence de convictions ; son ultime déclaration en faveur du vote Hollande contre Marine Le Pen a achevé de décrédibiliser son propos. Alors, pour faire barrage à Juppé et son « identité heureuse », de nombreux esprits s’échauffent et plébiscitent Fillon. Sans aveuglement. Pas le meilleur, mais le moins pire. Pour éviter le pire. On en est là.
Les défauts annoncés de Fillon se sont retournés en sa faveur