DES DRAMES EN NOIR ET BLANC
C’est une impasse raciale dans laquelle nous sommes coincés depuis des années. Contrairement à ce que prétendent certains de mes critiques, Noirs et Blancs, je n’ai jamais été assez naïf pour croire que nous pourrions en finir avec notre division raciale en un seul cycle électoral, ou avec une seule candidature, surtout avec une candidature aussi imparfaite que la mienne. Mais j’ai toujours affirmé ma conviction profonde – une conviction enracinée dans ma foi en Dieu et dans ma foi dans le peuple américain – qu’ensemble nous pouvons aller au-delà de certaines de nos blessures raciales, et qu’en fait, nous n’avons pas d’autre choix si nous devons poursuivre notre voie vers une union plus parfaite. » Ces mots ont été prononcés par le candidat Barack Obama le 18 mars 2008 à Philadelphie, alors qu’il était en route vers la victoire aux primaires démocrates puis à l’élection du 4 novembre pour devenir le premier président noir des Etats-Unis. Le 9 août 2014, à Ferguson, une banlieue de Saint-Louis (Missouri) majoritairement noire, Michael Brown, âgé de 18 ans, est abattu dans la rue par un policier blanc, Darren Wilson, 26 ans, qui le poursuivait après un vol dans un magasin. D’un coup, cette tragédie a relancé les tensions raciales, sur le thème des violences policières contre les populations noires. Dès le lendemain de la mort du jeune homme, des émeutes éclataient à Ferguson. Elles allaient durer deux semaines. Puis reprendre en novembre, après la décision du grand jury de ne pas poursuivre l’agent Wilson. Et Ferguson connaîtra encore des violences à l’anniversaire de la mort de Michael Brown. Soudain, les Etats-Unis ont vu resurgir le spectre de la fracture raciale, d’un – prétendu ou avéré – racisme des policiers blancs, d’une justice « rendue selon la couleur de peau ». Comment a réagi le premier président noir ? A la lumière de ce qui a suivi, Barack Obama n’a pas pris la mesure de l’événement. Au lieu de se rendre sur place, l’auteur du discours de Philadelphie est resté à Washington, dépêchant sur place son ministre de la Justice, Eric Holder, noir lui aussi. Après la décision du grand jury et les protestations qu’elle a déclenchées, il n’a pas voulu y aller et s’est limité à recevoir quelques activistes de Ferguson à la Maison-Blanche. Trop peu, trop tard. Depuis Ferguson, une sorte d’épidémie a gagné les Etats-Unis. Des suspects noirs ont été tués par la police à New York, Cleveland, Charleston, Milwaukee, Los Angeles, Cincinnati, etc. A chaque mort, des manifestations s’organisent, souvent suivies de violences urbaines. Ces protestations ont trouvé leur incarnation politique dans un mouvement très véhément : Black Lives Matter (BLM, « La vie d’un Noir compte »). Dès les primaires, démocrates et républicaines, les candidats à la Maison-Blanche ont été confrontés aux demandes insistantes de groupes issus de BLM. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’Amérique en 2016 : la plaie de la division raciale s’est rouverte sous le premier président noir.