1917, ANNÉE DÉCISIVE
Le 10 mars 1917, le 25 février du calendrier julien, la situation dégénère à Petrograd. Grèves et manifestations agitaient depuis plusieurs semaines la capitale, mais Nicolas II, en apprenant ce jour-là que des bâtiments officiels et la forteresse Pierre-et-Paul ont été pris d’assaut, ordonne depuis le front le rétablissement de l’ordre par la force. Le lendemain, la police tire sur les manifestants, tandis que des unités de l’armée fraternisent avec les insurgés : c’est la révolution russe qui commence. Le 15 mars, le tsar abdiquera. Un mois plus tard, Lénine reviendra d’exil et, le 7 novembre (25 octobre du calendrier julien), les bolcheviques prendront le pouvoir, instaurant en Russie un pôle communiste qui dominera la moitié du globe au XXe siècle. S’il est des années charnières dans l’Histoire, 1917 en est une. Cette même année verra l’Entente et les Puissances centrales faire jeu égal sur le terrain, mais l’Autriche-Hongrie négocier en secret avec les Alliés et les Etats-Unis entrer dans la guerre, signes avant-coureurs du dénouement de 1918. Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine, raconte mois par mois et presque jour après jour « 1917, l’année qui a changé le monde ». Abondamment illustré de photos rares, doté d’une maquette élégante et imprimé sur papier renforcé, son beau livre enrichira les meilleures bibliothèques. Il sera surtout utile. Car l’organisation rigoureusement chronologique de l’ouvrage restitue l’enchaînement des causes, des faits et des conséquences, base de la connaissance historique. Buisson, par ailleurs, possède au plus haut degré l’art de la synthèse, science journalistique qui lui permet d’éclairer en dix ou quinze lignes des problèmes complexes. Son regard sur cette époque, enfin, s’élargit à tous les domaines. Parcourir ce volume, c’est se souvenir que, pendant que la Vierge apparaît à Fatima, Gandhi entame un combat qui, trente ans plus tard, conduira à l’indépendance de l’Inde, de même que la déclaration Balfour préfigure la fondation d’Israël. 1917, c’est encore le premier disque de jazz, le dadaïsme qui annonce le surréalisme, la première Coupe de France de football, et le triomphe de Charlie Chaplin au cinéma. En cette année si bien reconstituée ici, le vieux monde s’efface au profit de la modernité. Pour le meilleur ou pour le pire.
de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p., 24,90 €.