AU COEUR DE L’HISTOIRE

L’ODEUR DE LA FORÊT, d’Hélène Gestern. Arléa, 699 p., 27 €.

Comme Olivier Barrot, le jury Femina avait repéré ce roman exceptionnel avant de l’écarter d’une liste dont est sorti vainqueur Marcus Malte et son étonnant Garçon

(Zulma). Cela n’enlève rien aux qualités objectives de ce texte dont l’ambitieuse construction narrative (plusieurs voix, plusieurs genres, plusieurs époques) s’accompagne d’une inventivité « scénaristique » qui ferait de son auteur une reine d’Hollywood. L’Odeur de la forêt commence sur un faux rythme. Une historienne de la photographie tente de sortir de sa dépression de fraîche veuve en se jetant à corps perdu dans une enquête professionnelle sur un lot mystérieux de lettres et d’albums échangés entre un grand poète d’avant-guerre et un officier mort au front en 1917 – deux hommes semblant à la fois unis et partagés par une même femme. Installée dans un village encore marqué par la Seconde Guerre mondiale, Elisabeth Bathori va bientôt errer (et s’épanouir !) au coeur d’un imbroglio familial aux ramifications contemporaines. Elle-même finira par s’y retrouver mêlée, donnant à cette saga monumentale des airs de polar autant que de roman historique.

Hélène Gestern a le don d’égarer son lecteur en l’envoyant dans des impasses, qui se révèlent être des chemins de traverse ouvrant sur des forêts insoupçonnées. Style superbe, rebondissements incessants. Ses portraits de femmes tenant bon la barre de la grande Histoire sinon des leurs propres (douloureuses, tragiques) sont particulièrement réussis. Du très grand art.

FÉMININE, d’Emilie Guillaumin, Fayard, 400 p., 20 €.

Si vous avez signé, c’est pour en chier. » A 27 ans, Emma Linarès plaque le journalisme pour s’engager dans l’armée. Soif d’absolu, désir de cadre, ardeur guerrière : elle ne doute pas de ses motivations. Emma s’en va en guerre. Préparation militaire, Saint-Cyr, régiment près de Verdun : elle enchaîne marches, courses et exercices jusqu’à être une tendinite ambulante. Les semaines filent entre les week-ends de garde, les nuits en