L’USAGE DU MARTINET
Dans un trou de Louisiane, pas loin de Bâton-Rouge, un vieux Noir abat son propre fils au tribunal. Sur place, le jeune reporter de la gazette locale, noir également, doit rendre un article « à résonance humaine » avant minuit pour expliquer ce drame à ses lecteurs. Pour ce faire, le journaliste visite le salon de coiffure local où bavassent tous les doyens de la communauté black locale. La tradition orale est encore vivace et les conversations à propos du père meurtrier vont bon train. Alors que les heures filent, le scribouillard découvre que le vieux Brady est surnommé « l’homme qui fouettait les enfants » : on faisait appel à lui pour enseigner l’autorité aux gamins afin que les mauvaises graines ne finissent pas à la terrible prison d’Angola…
Le roman, presque exclusivement dialogué, du vétéran Ernest J. Gaines, qui a grandi dans les antiques plantations, est une sorte de pièce de théâtre qui rend justice à l’humour grandiose – méconnu chez nous – des Noirs américains. Dans ce salon de coiffure, les vieux s’apostrophent tandis qu’un étranger de passage surnommé l’« Homme qui venait d’avoir une coupe de cheveux », redoute que sa « grosse créole » le massacre lorsqu’il sera arrivé en retard à « No’leens ». Un autre, un peu taré, ne cesse de dire, mystérieusement, « C’est le tracteur ».
Gaines connaît son sujet à fond et ses dialogues virevoltent comme autant de passes d’armes tour à tour absurdes, charmantes ou amères. Quant au fouet, il est passé de mode…
d’Ernest J. Gaines, Liana Levi, 111 p., 12 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michelle Herpe-Voslinsky.