Le Figaro Magazine

70 CINÉMA : LA NOUVELLE VAGUE

Comédiens ou réalisateu­rs, ils ont eu l’audace de croire en leur passion. Après avoir fait leurs classes au théâtre ou à la télévision, ils font le cinéma d’ aujourd’hui. Rencontre avec une dizaine de talents déjà incontourn­ables.

- CLARA GÉLIOT

Ils ont la trentaine, squattent de plus en plus les écrans et tapent souvent dans l’oeil des cinéphiles les plus exigeants. En coulisses, producteur­s et financiers n’hésitent plus à « mettre des billes » sur leur nom avant de pouvoir se flatter de les avoir « décrochés » pour leur « prochain long ». Si leurs visages vous sont étrangers et que leurs noms ne résonnent pas encore dans les dîners, ça ne devrait pas durer. Car ces acteurs et réalisateu­rs appartienn­ent bien à la nouvelle vague, celle qui permet d’affirmer que le cinéma français a, devant lui, de belles années.

Quel meilleur endroit pour réunir la jeune garde du septième art hexagonal, que le Cinéma Gaumont Les Fauvettes, à Paris ? Cet établissem­ent de l’avenue des Gobelins a fait de la copie restaurée son heureux fonds de commerce. Ici rôdent les esprits de Bébel, Deneuve, de Funès, Meryl Streep, Clint Eastwood, Marlon Brando et de tous les grands comédiens qui ont donné envie à nos invités de se lancer dans le métier. D’un pas décidé, Swann Arlaud et Guillaume Gouix arrivent, cet après-midi-là, pile à l’heure. Les compères des Anarchiste­s, le film d’Elie Wajeman qui les a réunis l’an passé autour de Tahar Rahim et d’Adèle Exarchopou­los, ont conservé une malicieuse complicité. Ils ont rangé Borsalino et costume trois pièces pour afficher le look casual chic de leur époque. Réservé, Arlaud commande un café. Gouix, lui, ne perd pas une seconde pour répondre aux demandes (parfois baroques, voire loufoques) du photograph­e. Avec l’entrain d’un gamin, celui qui incarnera bientôt Alain Prost au cinéma se plie de bon coeur aux acrobaties proposées. Karim Leklou, l’autre « anar » ayant répondu à l’appel, fait son entrée. La chemise et le visage froissés, il accuse le coup de la soirée d’avant-première de Réparer les vivants, l’exaltant film pour lequel Katell Quillévéré l’a rappelé trois ans après Suzanne. Retenue sur un plateau de télévision, la réalisatri­ce ne manquera d’ailleurs pas de sauter dans un taxi pour nous rejoindre à la hâte. En attendant, c’est au tour des actrices d’entrer en scène. Pas star pour un sou, Mélanie Bernier, Alice Belaïdi et Alice Pol affichent une étonnante décontract­ion. Soko, nouvelle idole des plateaux et des tapis rouges, ou Ariane Labed, avec laquelle elle partageait récemment l’affiche de Voir du pays, sont retenues à Los Angeles et à Londres. So chic. Qu’importe, outre leur talent d’interprète, les trois femmes du jour peuvent s’enorgueill­ir d’avoir réussi un pari difficile : redorer le blason d’un genre réputé mineur, la comédie. Dans les lambris du salon, les âges et les univers se mélangent sous nos yeux amusés. Ici, pas de frontière entre les « familles », les adeptes du cinéma d’auteur ou les talents « bankable ». Tous s’accordent à dire qu’ils ont « la chance de pouvoir exercer ce métier qui (les) fait rêver ». Thomas Lilti, qui avoue « ne plus (se) présenter comme médecin mais comme cinéaste », papote avec William Lebghil, la star de Soda, la série qui révéla Kev Adams. Que peuvent bien avoir en commun le discret quadra et le jeune comique ? « Un film ! » lancent-ils en coeur. Après son Médecin de campagne, le réalisateu­r a écrit pour Vincent Lacoste et William une comédie qui suivra, sur les bancs de la fac de médecine, deux étudiants de première année. Ça promet !

Quand Benjamin Lavernhe, pensionnai­re de la Comédie-Française, s’approche, le mélange surprend d’autant plus. Mais en tendant l’oreille, on apprend qu’il a fait partie avec Lebghil de la même brigade : celle du prochain film d’Olivier Nakache et Eric Toledano qui retrace un mariage côté coulisses. Joueurs, les collègues se lancent dans une joute verbale qui sonne comme une magnifique impro. Résultat de ce concours de piques : Lavernhe est déclaré gagnant pour avoir mis son camarade K.-O. par éclat de rire.

Sur les fauteuils, abandonnés entre les casques de scooter et les écharpes, les scénarios écornés prouvent que ces « intermitte­nts » sont devenus des gens très occupés. Sirotant un Coca, Alice Belaïdi croise les doigts pour Martin Bourboulon, son voisin de sofa. Le réalisateu­r de Papa ou maman sort dans quelques jours la suite de sa comédie à succès et, en cinq ans de carrière, l’Avignonnai­se a appris ce qu’est la fébrilité des artistes avant une sortie. Comme lui, et d’autres metteurs en scène qui font désormais briller le cinéma français - Hugo Gélin, Rebecca Zlotowski, Céline Sciamma, Thomas Cailley ou Justine Triet -, elle aimerait passer un jour derrière la caméra afin de parler des filles de son âge. Pour l’heure, la jolie brune compte bien mettre la gent féminine à l’honneur. « Il faut être sexy ? Soyons sexy ! » dit-elle en troquant ses derbys contre une paire d’escarpins.

Dans une ambiance bon enfant, chacun s’installe sur un coin de canapé et prend la pose. Mélanie Bernier joue avec l’objectif ; William Lebghil se donne des airs d’homme pressé ; Swann Arlaud fait mine de perdre l’équilibre ; Martin Bourboulon fixe l’axe qu’il s’est donné… Chacun s’invente un personnage et tient son rôle. Un fou rire de Lavernhe et une chute de Gouix perturbent joyeusemen­t l’exercice. Mais le profession­nalisme s’impose. Reste à admirer quelle réaction donne chaque talent au mot « action ».

UNE GÉNÉRATION INSPIRÉE, AUDACIEUSE ET EXIGEANTE

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