Le Figaro Magazine

“JE RECONNAIS QUE LE VIOLON PEUT ÊTRE INSUPPORTA­BLE”

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS DELÉTRAZ

Ce violoniste est une fusée à plusieurs étages. En plus de donner 120 concerts par an, il est le directeur artistique de festivals prestigieu­x. Les Sommets musicaux à Gstaad (27 janvier au 4 février), le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence (10 au 23 avril). Côté enregistre­ments, son coffret, Le Violon roi, vient de sortir (Warner Classics). A 40 ans, cet exceptionn­el interprète semble ne pas vouloir s’arrêter. Même s’il prétend prendre son temps. On a du mal à le croire.

Votre plus beau souvenir d’enfance ?

Aux Arcs, quand avec mes parents nous marchions dans la neige à la sortie d’un concert. C’est sans doute ce souvenir qui m’a poussé à reprendre la direction du festival de Gstaad. C’est pour moi une manière de revivre cette page d’enfance, quand mes grands-parents habitaient Bourg-Saint-Maurice.

Comment calme-t-on sa nervosité ?

Je suis très actif mais je m’énerve très rarement. Ce sont alors des colères froides. Les pires.

Et le trac ?

J’y suis sujet, comme tous les artistes. C’est la traduction de l’excitation de monter sur scène. Pour lutter, je fais de longues siestes les après-midi de concert.

Festivals, concerts, disques… Comment vous y prenez vous ?

Je ne prends ni substances ni remèdes bizarres, ma seule addiction c’est le sommeil profond. La sieste divise la journée en deux.

Vos moments de déconnexio­n ?

Quand je suis à Paris, j’aime bien me promener en ville. Mais pour déconnecte­r, rien de mieux que la Savoie, au-dessus de Chambéry où vivent mes parents.

Sport ?

J’essaie de courir le matin, mais quand on voyage tous les jours, ça devient compliqué. Je n’avais jamais fait de sport, à part le ski, avant 40 ans. J’ai pris la décision de m’y mettre.

Etes-vous

2 CV ou Formule 1 ?

J’ai vécu ma vie à toute allure sans voir autre chose que le violon et la musique. Mais depuis cinq ou six ans, je parviens à faire beaucoup de choses très diverses. Actif tout en étant plus zen – même si je sais que cela peut paraître paradoxal. Ce Savoyard aime toujours le ski, même si c’est avec son archet qu’il brille.

120 concerts par an, la direction de deux festivals… à 40 ans, Renaud Capuçon est un interprète très demandé.

Vous descendez toujours dans les mêmes hôtels ?

Oui. J’y ai mes habitudes et je m’y sens bien. Comme l’Hotel Imperial à Vienne, qui fait face à l’Opéra, le Grand Hôtel de l’Opéra à Toulouse ou le Ca Maria Adele à Venise.

Vous lisez en avion ?

La presse, oui. Mais avant tout, je dors !

Derniers livres lus ?

Un président ne devrait pas dire ça…, les lettres d’amour de François Mitterrand, et Herbert von Karajan par Sylvain Fort.

Le violon était-il un instrument de séduction ?

Plus les années passent et plus je m’en rends compte. Quand j’étais un adolescent je ne voyais rien, j’étais à fond dans la musique… A vrai dire, j’ai passé beaucoup d’années dans une bulle. Mais mon champ de vision s’est élargi. Ma curiosité est une nourriture, et je la transcris dans la musique. Le violon est un vecteur exceptionn­el, d’autant que le mien (un Guarnerius de 1737) est sublime et possède une sonorité boisée extrêmemen­t chaleureus­e.

Dîner après le concert ?

Oui, quand je suis bien accompagné. Je fuis les dîners « systématiq­ues ». Quand vous avez 120 concerts par an suivis de 120 dîners officiels barbants, c’est un cauchemar. Même si ça peut être amusant quand on a 20 ans. Mais quand le chef d’orchestre est un copain, le dîner devient un moment ludique.

Le bis c’est quoi ?

Une récompense, une façon de remercier le public, pas une manière de briller. D’ailleurs, je joue très souvent dans ces moments une mélodie d’Orphée, de Gluck. Une musique très simple et très méditative. J’évite Paganini sinon les gens ne retiennent que cela. Ils oublient le monument de Brahms ou de Schubert que vous avez joué juste avant.

Que dites-vous à ceux qui ont du mal avec le son du violon ?

Qu’ils n’ont pas écouté le bon violoniste ! Je reconnais que le violon peut être insupporta­ble. Mais il peut aussi être voluptueux, suave et faire rêver…

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