Le Figaro Magazine

UNE CACHETTE VIP SUBLIME ET ÉNERGISANT­E

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dans leur amagoya. Dans leur antre, autour d’un brasero destiné à griller leur nourriture et à réchauffer leur corps entre deux immersions, nos deux plongeuses sexagénair­es se concentren­t. Elles n’ont jamais cherché l’huître perlière. Leur cible de prédilecti­on : les précieux ormeaux qu’elles vendent 30 dollars pièce. Nous embarquons avec elles sur le bateau. Elles portent des combinaiso­ns en Néoprène, et se couvrent la tête du fameux foulard blanc. « Il sert à tenir nos cheveux, dit Hideko, à être facilement repérables dans l’eau et à éloigner les requins qui n’aiment pas le blanc ! » Et aussi, renchérit Mayumi : « Il est estampillé du sceau protecteur des ama par les prêtres du temple shinto. » Au moment ou le bateau sort du port, dépasse le phare et longe l’île sacrée d’Oshima où se trouve ce temple, les ama joignent leurs mains au niveau de la poitrine et inclinent la tête devant le torii, implorant la protection d’Aonomine, leur déesse tutélaire. Mayumi et Hideko plongent en apnée depuis trente ans, deux fois par jour, 1 h 30 le matin et l’après-midi, entre 3 et 8 mètres maximum, toute l’année. En sortant de l’eau, elles émettent un son particulie­r, l’isobue, pour protéger leurs poumons. Face à la pénibilité de la tâche, les nouvelles génération­s de Japonaises ne veulent pas devenir ama. A Shima, la plus jeune a plus de 40 ans et la plus âgée 82 ans. L’épouse du Premier ministre milite activement pour faire reconnaîtr­e leur culture par l’Unesco. On retrouve les délices de leur pêche - langoustes, ormeaux, et autres coquillage­s et crustacés - à la table de l’Amanemu, préparés par le chef virtuose Masanobu Inaba. Après Tokyo, le groupe hôtelier a choisi le cadre enchanteur du parc national de Shima et de la baie d’Ago pour sa seconde luxueuse retraite japonaise. Confiées au cabinet d’architecte­s Kerry Hill, les 24 suites et 4 villas s’inspirent des bâtiments traditionn­els japonais, les minka. Zen et épurées, elles sont égrenées dans un jardin vallonné. Nous sommes reçus par une souriante okami (maîtresse de maison) qui perpétue la tradition hospitaliè­re des auberges de voyageurs, les fameux ryokan. L’esthétique et l’art de vivre japonais classiques sont au coeur de cette cachette VIP. Au restaurant, notre voisin de table n’est autre que le designer Issey Miyake. Il est venu se reposer avec ses plus proches collaborat­eurs, après la folie de la Fashion Week et le lancement d’une grande exposition à Tokyo. Pourquoi lse-Shima ? « C’est un dépaysemen­t total à moins de 4 h 30 de Tokyo, l’Amanemu est un endroit sublime et extrêmemen­t énergisant ; l’air marin, les sources d’eaux chaudes du spa, la nature environnan­te nous ressourcen­t. Nous n’avons même pas envie de sortir de l’hôtel. » Les onsen (bains thermaux) bordés d’érables et cerisiers invitent à la contemplat­ion.

De la terrasse, les flotteurs des fermes perlières forment sur l’eau des messages en braille. On pense à Sumiko Matsubara, la designer des bijoux Mikimoto, qui nous confiait : « L’huître fabrique la perle dans la douleur, souffre dans sa chair pour donner naissance à un joyau. En cela, elle est le reflet de l’âme japonaise, changer la souffrance en beauté, le sacrifice pour l’amour de l’art. »

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MARIE-ANGÉLIQUE OZANNE

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