EN 2016, IL N’Y A PAS ASSEZ DE PIERRES POUR SATISFAIRE LA DEMANDE
de perdre de la matière, de tailler le brut sans s’intéresser au diamant final et d’obtenir, par exemple, une pierre pesant 80 carats au lieu de 100. C’est impossible aujourd’hui, nous n’avons plus le droit à l’erreur.
Quel regard portez-vous sur le marché contemporain de la joaillerie ?
Il s’est élargi considérablement, tant en termes d’acteurs que de clients. Au début du XXe siècle, seuls les rois, les reines, les cheikhs ou les maharadjahs pouvaient s’offrir des diamants. En 2016, il n’y a pas assez de pierres pour satisfaire la demande. Si c’était le cas, les prix descendraient.
Quel est le diamant le plus merveilleux que vous ayez eu entre les mains ?
La première fois que je l’ai vu, c’était il y a trentedeux ans, dans une vente aux enchères à Genève. C’était un petit diamant rond de 3,5 carats, d’un bleu inouï. A 60 000 dollars le carat, il était trop cher pour ma bourse, mais je ne pensais pas qu’il allait être vendu, ce qui fut le cas. Neuf ans après, une cliente m’appelle pour que je lui présente des parures. Son mari arrive, il porte une chevalière ornée d’une pierre bleue d’une couleur si extraordinaire que j’ai cru que c’était un zircon. Or, c’est un diamant bleu. Je reconnais alors mon coup de coeur de Genève et supplie - en vain - l’homme de me le vendre. Des années plus tard, il meurt. Sa femme me propose la pierre à 300 000 dollars le carat, au même prix qu’un diamant bleu de 7 carats que je venais d’acheter, lequel pesait de facto le double du sien. Je lui suggère de faire la tournée des joailliers, de revenir me voir avec un chiffre afin que je puisse lui faire une offre supérieure. Un mois plus tard, l’estimation de son diamant bleu établie, elle me demande toujours 300 000 dollars le carat. Je dis oui. A l’époque, j’ai déboursé une somme trois fois plus élevée que la valeur intrinsèque de la gemme. C’était le diamant de ma vie.
Où est-il maintenant ?
L’histoire n’est pas terminée. Peu après, un Japonais vient me voir, souhaitant quelque chose d’extraordinaire. Je lui montre mon diamant bleu en lui précisant qu’il n’est pas à vendre. Il a un coup de foudre, mais je refuse de m’en séparer. Mon fils me rappelle alors très justement que notre métier est de faire le commerce de bijoux et de pierres. Je cède en demandant à mon client le prix exorbitant de 450 000 dollars le carat. Hélas, il accepte ! La mort dans l’âme, je suggère à mon fils de prétendre que le diamant se serait perdu pendant son transfert au Japon afin d’annuler la vente… C’est alors qu’il me morigène sur le mode « tu dois respecter tes engagements ». Les années ont passé, j’ai acheté des diamants plus incroyables les uns que les autres, mais