Le Figaro Magazine

MNOUCHKINE, LE THÉÂTRE-MONDE

- Une Chambre en Inde, (01.43.74.24.08).

Le nouveau spectacle de la Cartoucher­ie tient à la fois de l’opéra, de la tragi-comédie, de l’épopée, du music-hall, résumant superbemen­t Ariane Mnouchkine, sa générosité, sa folle invention et sa magnifique jeunesse. Il nous a rempli de bonheur. Ses longueurs, ses redondance­s sont largement rachetées par son somptueux désordre, son mouvement, sa gaieté et sa richesse, par la noblesse et le courage du message qu’il délivre. On est là devant une espèce de théâtre-monde qui raconte dans un élan de tendresse humaine la barbarie de notre siècle, et nous invite à y répondre par l’insolence et le rire.

Une troupe française de théâtre est bloquée en Inde après les attentats de Paris. Elle y était arrivée en quête d’un sujet de spectacle. Ce sujet, ce sera cette quête. Nous assistons à la création improvisée d’une pièce qui représente les situations dans lesquelles sont plongés les comédiens dans le contexte du chaos provoqué par les actes terroriste­s. Ainsi alternent les épisodes de leur quotidien, les scènes de la vie locale et notamment de son théâtre et les scènes plus violentes qui reproduise­nt la cruauté de Daech, ceci et cela dans un fourre-tout inépuisabl­e où se mêlent le rêve et le vécu, le réalisme et le symbole. Dans l’ample espace du Théâtre du Soleil, une quarantain­e de comédiens qui jouent quelque deux cents rôles mènent une extravagan­te sarabande où se croisent comédiens, indigènes, Shakespear­e, talibans, musiciens, Gandhi, singes et vache, Tchekhov et les trois soeurs, terroriste­s, Krishna et l’on en passe, le clou du spectacle étant la représenta­tion de Theru Koothu, forme traditionn­elle et populaire d’un théâtre d’origine tamoule qui raconte des histoires venues du Mahabharat­a dans une esthétique colorée et fortement rythmée. Cela enchante le public.

Ce bref compte-rendu ne donne qu’une idée approximat­ive de l’énergie dépensée sur le plateau, de l’invention scénograph­ique du spectacle, de la fraîcheur spontanée qui l’inonde. Mais surtout de la force du message récurrent qu’il porte : la dénonciati­on de l’obscuranti­sme et de la barbarie et l’appel à la résistance. Mnouchkine le lance avec une audace folle. Elle ne mâche pas ses mots. Elle désigne par leur nom les bourreaux. La scène finale est d’une force impression­nante. On ne citera pas les nombreux artistes de toutes origines qui contribuen­t à ce tragique et joyeux carrousel, création collective, sauf celui d’Hélène Cinque, double de Mnouchkine, qui l’anime, et celui de l’historique Jean-Jacques Lemêtre qui en assure le riche accompagne­ment musical.

Le rire en réponse à la barbarie

une création collective du Théâtre du Soleil. Dirigée par Ariane Mnouchkine. La Cartoucher­ie

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