LES DEUX MITTERRAND
En ce moment, on trouve deux Mitterrand en librairie. La comparaison est instructive. L’un, François, est un homme politique qui aurait voulu être écrivain. L’autre, Frédéric, est un écrivain qui a essayé d’être homme politique. Les Lettres à Anne et le Journal pour Anne de François Mitterrand ont séduit beaucoup de lectrices par leur romantisme ; elles m’ont surtout surpris par leur mièvrerie. Un homme amoureux n’est jamais ridicule, mais il peut être lourdingue, voire collant. Cet homme a de la chance qu’Anne Pingeot ait supporté pareil harcèlement épistolaire et diariste. N’est pas Chardonne qui veut. Le style de Frédéric Mitterrand est nettement plus sulfureux, ce qui n’avait pas échappé à Marine Le Pen, à peine fut-il nommé ministre de la Culture. Il aurait peut-être mieux fait de publier, comme son oncle, ses journaux intimes après sa mort. Cela nous aurait privé de toute la série de ses récits torturés : La Mauvaise Vie (2005), Le Festival de Cannes (2007), La Récréation (2013), Une adolescence (2015) et aujourd’hui Mes regrets sont des remords (titre nul pour un livre aussi réussi). L’ensemble de ses autobiographies chez Laffont forme un tout : on s’attend à voir paraître bientôt le gros volume qui les rassemblera dans la collection « Bouquins ».
Frédéric Mitterrand a réussi à faire oublier l’animateur qui disait « bonsouaaarr » à la télévision dans les années 80.
Ce qui a choqué dans ces carnets personnels, c’est une sincérité qui frisait parfois l’inconscience (les minets par-ci, les gigolos par-là : bref, ce qui ne scandalise personne chez Proust). Ce style exhibitionniste est pourtant ce qui en fait tout le prix. Il ne faut pas écrire à la première personne si c’est pour se planquer : le danger fait partie du « je » (comme chez Guibert, Dustan, Renaud Camus). Pour caricaturer, Frédéric Mitterrand est à son oncle François ce que Philippe Léotard fut à son frère du même prénom : le vilain petit canard est souvent l’artiste de la famille. Son dernier livre est inspiré du I Remember de Joe Brainard (déjà plagié par Georges Perec en 1978). Son originalité tient à sa mélancolie nostalgique : dans cette liste déchirante de « Je regrette », l’autodénigrement n’est pas une perversion mais une ascèse. Le cinéphile qu’est l’ancien propriétaire des cinémas Olympic soigne avant tout le montage de ses souvenirs. Il passe au confessionnal et récite la litanie de ses péchés. Mais ses péchés sont des personnes, et sa mémoire finit par ressusciter une foule bigarrée, étrange, fantastique : une vie.
de Frédéric Mitterrand, Robert Laffont, 359 p., 20 €.
connaissance d’une femme aisée en plein malaise, qui vit avec un beau-fils particulièrement inquiétant, dans un vieux manoir qu’elle affirme hanté…
Avec Les Lieux Sombres, et surtout Les Apparences (adapté à l’écran par David Fincher sous le titre Gone Girl), Gillian Flynn nous a habitués aux intrigues les plus machiavéliques et aux rebondissements les plus imprévus. Cette très réjouissante novella en est une nouvelle démonstration. Elle est aussi pour la romancière américaine l’occasion de rendre hommage à quelques pionniers du thriller, de Wilkie Collins
(La Dame en blanc) à Shirley Jackson et sa ténébreuse Maison hantée (que Rivages/Noir vient d’ailleurs de rééditer), en passant par Daphné du Maurier. Une occasion comme une autre de réviser ses classiques…