LE PATRON D’UBER FRANCE DANS LA TOURMENTE
Confronté à la grogne de ses chauffeurs et à la pression du gouvernement, le manager de l’entreprise de VTC joue l’apaisement.
GTitulaire de deux MBA, l’un obtenu à la London Business School et l’autre à la New York University, Thibaud Simphal est spécialisé dans le conseil en stratégie. rève des chauffeurs, barrages filtrants aux abords des aéroports, jets d’oeufs et de farine, arrachage d’essuie-glaces, chauffeur blessé… Tout ne roule pas si bien dans le monde digital de l’entreprise Uber. Habituée des premières places, elle est devenue l’ennemi numéro un en France. Signe des temps, le verbe « ubériser » vient d’entrer dans Le Robert. Signification ? « Déstabiliser ». Tout un programme !
Lancé en 2010 à San Francisco (début 2012 à Paris), Uber est un service de mise en relation de voitures avec chauffeur (VTC) avec des clients par le biais d’une application mobile. Les Français plébiscitent ce service qui ringardise des taxis jugés peu disponibles, peu pratiques (n’acceptant pas toujours les cartes bancaires) et souvent impolis. En 2015, l’entreprise est valorisée 50 milliards de dollars et ses applications sont utilisées dans plus de 310 villes dans le monde. En France, elle est dirigée depuis 2014 par Thibaud Simphal, spécialiste du conseil en stratégie, qui incarne un tampon entre la politique d’expansion de l’entreprise et les réalités humaines ou réglementaires du marché français. Il a déjà essuyé plusieurs tempêtes : interdiction en 2014 du service Uberpop qui permettait aux particuliers de se muer en chauffeurs, blocage de Paris en 2015 par des taxis fâchés de la concurrence déloyale exercée selon eux par les VTC, condamnation en 2016 à 800 000 € d’amende pour complicité d’exercice illégal de la profession de taxi. Cette fois, le mécontentement est interne. Les chauffeurs reprochent à la direction d’avoir augmenté ses marges de 20 à 25 % début décembre, de ne pas leur permettre de gagner leur vie correctement, de ne pas proposer de couverture sociale, de les déconnecter dès qu’un client fait un commentaire négatif… En résumé, de les exploiter ! « Nous discutons avec les associations de chauffeurs depuis un an sur plusieurs points d’amélioration, répond Simphal. Mais des groupes ont réuni 100 à 200 chauffeurs qui appellent à la violence. Ce sont des casseurs qui prennent la France en otage. » S’il se dit prêt à faire des concessions et à améliorer la rentabilité des chauffeurs en augmentant de 13 % les tarifs, ce sera au gouvernement de trancher. Le Parlement vient d’adopter la proposition de loi Grandguillaume, qui impose un examen difficile pour obtenir une licence de VTC et tenter de rétablir la balance avec les taxis. Mais, selon Simphal, « si une intervention des pouvoirs publics est nécessaire, on gagnerait à laisser le secteur s’autoréguler. Les consommateurs ont déjà choisi : 1,5 million de Français ont adopté Uber en quatre ans. » L’entreprise, elle, vient de refuser de baisser sa commission. Le bras de fer n’est pas terminé…