LE RETOUR DE LA POLITIQUE
de notre indépendance et de notre rayonnement, alors qu’à l’époque du général de Gaulle, nous étions capables de nouer des dialogues et d’exercer des médiations majeures. La règle fondamentale – j’y reviens − est celle-ci : il faut parler à tout le monde, avec une diplomatie qui ne soit ni confite en morale ni confinée dans l’idéologie, mais qui rayonne par l’action. C’est la clé d’une morale de l’action.
Deuxième pilier du renouveau : l’initiative. L’une des préoccupations de la Russie est l’incertitude de ses relations avec l’Otan. Remettons donc sur la table une architecture de sécurité commune en Europe. Troisième pilier : une diplomatie de projet, avec une coopération qu’il faudra particulièrement axer sur l’Afrique, à l’image de ce que fait la Chine sur le continent eurasiatique avec sa nouvelle route de la soie, développant des liens politiques, économiques et culturels. Une grande partie du malheur du monde aujourd’hui tient à l’effacement de l’Europe et, partant, de la France. Nous ne sommes ni visibles ni en initiative.
–Il est vrai que la réintégration dans l’Otan a été un mauvais message. L’important est notre indépendance. Je suis très attaché à la dissuasion nucléaire que nous a donnée le général de Gaulle. Quand le prochain président de la République − je souhaite que ce soit François Fillon − rencontrera le président russe, il pourra le regarder droit dans les yeux car notre pays dispose d’une défense indépendante. La souveraineté nationale vaut évidemment aussi en matière financière et juridique : l’un des nouveaux paramètres à établir dans le monde à venir sera de s’affranchir de l’hégémonie juridique américaine sur notre territoire. Qu’un contrat de vente à l’Iran de 108 Airbus, par exemple, ait été signé à l’Elysée avec l’Iran sans pouvoir être financé par les banques françaises, au motif que ces dernières n’arrivent pas à obtenir du Trésor américain une lettre leur précisant qu’elles n’encourent aucune sanction, est proprement intolérable. Pendant ce temps, nous acceptons que Boeing envoie une délégation durant trois semaines au Hilton de Téhéran pour négocier la vente de ses avions !
Deuxième point, la France a les moyens de redevenir un grand médiateur international. Au Moyen-Orient, efforçons-nous de réconcilier chiites et sunnites. Il serait naïf de croire que la guerre au sein de l’islam nous avantage. Elle peut avoir d’imprévisibles dégâts collatéraux qui risquent de toucher l’Europe. La politique de nos intérêts passe aussi par le fait de savoir désigner nos ennemis. Bachar el-Assad est-il l’ennemi principal de la France ? La réponse est non. C’est l’Etat islamique qui tue nos enfants dans nos rues. Il ne faut donc pas hésiter à passer des alliances internationales, mais aussi ponctuelles, locales, régionales avec ceux qui peuvent nous aider à l’éradiquer. Il ne faut pas réitérer l’erreur des radicaux-socialistes en 1935-1936 avec les gouvernements Laval et Sarraut qui n’avaient pas été capables de faire une alliance de revers avec Staline. L’ennemi principal de la France à l’époque était l’hitlérisme. Adolf Hitler avait clairement écrit dans Mein Kampf qu’il voulait détruire la France. Nous avons manqué cette alliance de revers et en avons subi les conséquences. Sachons donc toujours bien désigner notre ennemi principal avant de commencer à dessiner notre diplomatie !
Renaud Girard