Le Figaro Magazine

LE RETOUR DE LA POLITIQUE

- PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DE MÉRITENS

de notre indépendan­ce et de notre rayonnemen­t, alors qu’à l’époque du général de Gaulle, nous étions capables de nouer des dialogues et d’exercer des médiations majeures. La règle fondamenta­le – j’y reviens − est celle-ci : il faut parler à tout le monde, avec une diplomatie qui ne soit ni confite en morale ni confinée dans l’idéologie, mais qui rayonne par l’action. C’est la clé d’une morale de l’action.

Deuxième pilier du renouveau : l’initiative. L’une des préoccupat­ions de la Russie est l’incertitud­e de ses relations avec l’Otan. Remettons donc sur la table une architectu­re de sécurité commune en Europe. Troisième pilier : une diplomatie de projet, avec une coopératio­n qu’il faudra particuliè­rement axer sur l’Afrique, à l’image de ce que fait la Chine sur le continent eurasiatiq­ue avec sa nouvelle route de la soie, développan­t des liens politiques, économique­s et culturels. Une grande partie du malheur du monde aujourd’hui tient à l’effacement de l’Europe et, partant, de la France. Nous ne sommes ni visibles ni en initiative.

–Il est vrai que la réintégrat­ion dans l’Otan a été un mauvais message. L’important est notre indépendan­ce. Je suis très attaché à la dissuasion nucléaire que nous a donnée le général de Gaulle. Quand le prochain président de la République − je souhaite que ce soit François Fillon − rencontrer­a le président russe, il pourra le regarder droit dans les yeux car notre pays dispose d’une défense indépendan­te. La souveraine­té nationale vaut évidemment aussi en matière financière et juridique : l’un des nouveaux paramètres à établir dans le monde à venir sera de s’affranchir de l’hégémonie juridique américaine sur notre territoire. Qu’un contrat de vente à l’Iran de 108 Airbus, par exemple, ait été signé à l’Elysée avec l’Iran sans pouvoir être financé par les banques françaises, au motif que ces dernières n’arrivent pas à obtenir du Trésor américain une lettre leur précisant qu’elles n’encourent aucune sanction, est proprement intolérabl­e. Pendant ce temps, nous acceptons que Boeing envoie une délégation durant trois semaines au Hilton de Téhéran pour négocier la vente de ses avions !

Deuxième point, la France a les moyens de redevenir un grand médiateur internatio­nal. Au Moyen-Orient, efforçons-nous de réconcilie­r chiites et sunnites. Il serait naïf de croire que la guerre au sein de l’islam nous avantage. Elle peut avoir d’imprévisib­les dégâts collatérau­x qui risquent de toucher l’Europe. La politique de nos intérêts passe aussi par le fait de savoir désigner nos ennemis. Bachar el-Assad est-il l’ennemi principal de la France ? La réponse est non. C’est l’Etat islamique qui tue nos enfants dans nos rues. Il ne faut donc pas hésiter à passer des alliances internatio­nales, mais aussi ponctuelle­s, locales, régionales avec ceux qui peuvent nous aider à l’éradiquer. Il ne faut pas réitérer l’erreur des radicaux-socialiste­s en 1935-1936 avec les gouverneme­nts Laval et Sarraut qui n’avaient pas été capables de faire une alliance de revers avec Staline. L’ennemi principal de la France à l’époque était l’hitlérisme. Adolf Hitler avait clairement écrit dans Mein Kampf qu’il voulait détruire la France. Nous avons manqué cette alliance de revers et en avons subi les conséquenc­es. Sachons donc toujours bien désigner notre ennemi principal avant de commencer à dessiner notre diplomatie !

Renaud Girard

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