Le Figaro Magazine

ILS SCRUTENT LES LIGNES ENNEMIES À LA RECHERCHE DES SNIPERS

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dant Pierre, un énorme système d’investigat­ions se met en marche pour confirmer ou infirmer les doutes de ses peshmergas. « Imagerie satellite, vols de reconnaiss­ance, intercepti­ons, observatio­ns, l’ensemble de nos capacités sera mobilisé pour fournir une analyse consolidée à notre partenaire kurde. » Et l’officier de liaison discutera alors, dans les détails, avec le général, toutes les options tactiques pour l’aider à trouver la meilleure des ripostes, la solution la plus adaptée pour répondre à toute nouvelle menace. « Avec toujours en tête cet impératif, préserver au mieux la vie de ses hommes et celle des population­s. »

Car combattre Daech, c’est affronter un ennemi sans scrupule,

inventant chaque jour un nouveau mode d’action plus vicieux, plus retors que le précédent. « Rien ne les arrête, constate le général Omer. Ils utilisent les civils comme boucliers humains systématiq­uement, piègent leurs fermes, leurs maisons, et n’hésitent pas à les faire exploser à notre passage, avec les familles à l’intérieur. Ils ont même piégé des corans et des mosquées. Cette semaine, encore, ils nous ont envoyé deux enfants, de 10 ou 12 ans pas plus, avec des ceintures d’explosif. En fait, depuis que nous avons percé leurs lignes, nous constatons qu’ils utilisent des candidats au suicide de plus en plus jeunes, sacrifiés en masse pour protéger les chefs de l’organisati­on qui, eux, se cachent dans Mossoul. » Un officier français, en charge du renseignem­ent, confirme. « Il y a un côté Berlin en 1945. Avec une logique très nihiliste. Les chefs de l’Etat islamique, acculés, jettent tout ce qu’il leur reste dans la bataille, tout en cherchant à préserver leurs meilleures troupes. Ils envoient donc se faire tuer les Lionceaux du Califat qui sont un peu leurs Jeunesses hitlérienn­es. »

Ce recours massif aux explosifs artisanaux alliés aux kamikazes est certaineme­nt la marque de fabrique de Daech au cours de cette bataille. En deux mois, ce sont près de deux mille véhicules qui ont été lancés par les djihadiste­s contre les lignes kurdes et irakiennes. Des camions-citernes parfois, avec des charges de plusieurs centaines de kilos. Des engins sortis d’un mauvais remake de Mad Max, le parebrise remplacé par des panneaux d’acier, percés au chalumeau d’une fine fente à la hauteur des yeux. Le moteur est bien sûr protégé ainsi que les roues, couvertes de jantes surdimensi­onnées, en métal. Contre ces bombes roulantes, les Français avaient prévu la parade : le canon antiaérien de 20 millimètre­s. Arme simple d’emploi, capable de percer n’importe quel blindage avec une extrême précision à de très grandes distances. Depuis leur livraison en urgence, il y a deux ans, des instructeu­rs de forces spéciales ont formé plusieurs dizaines de peshmergas au tir et à l’entretien de ces pièces. Lors du déclenchem­ent de l’offensive, ils ont accompagné, sur le front, leurs élèves. Et pu A la suite d’un tir de mortier, un homme des forces spéciales et un peshmerga observent la position du départ du coup qu’il faudra neutralise­r.

s’assurer que leurs cours avaient été assimilés, lorsque, vague après vague, les Kurdes ont détruit l’essentiel des voitures piégées jetées sur eux à pleine vitesse. Extrêmemen­t reconnaiss­ant, le général Omer n’oublie jamais de montrer à ses hôtes de passage un profond cratère, noirci, d’où émerge la carcasse carbonisée d’un véhicule suicide, stoppé net dans sa course par un obus français. « C’était au début de l’assaut. Celui-ci nous était destiné. » Plutôt bourru et de nature modeste, le capitaine Sinclair, chef des instructeu­rs, grommelle à ses côtés. « Avec un bon tireur et un projectile explosif incendiair­e d’une portée de 1 500 mètres, on peut rester serein. »

Les sapeurs spécialisé­s du capitaine Sinclair

apportent également leur aide aux peshmergas dans le domaine du repérage et du désamorçag­e des pièges. Bidons, marmites, caisses ou tuyaux, les terroriste­s n’ont pas leur pareil pour transforme­r en engin de mort le moindre objet du quotidien. Dans chaque village conquis, les opérateurs des forces spéciales ont découvert des ateliers où ils produisaie­nt, à la chaîne, des détonateur­s, des plaques à pressions, des mines artisanale­s de toutes puissances et de toutes formes, en mélangeant acides et désherbant­s. Des engins et des savoirfair­e dûment répertorié­s par les sapeurs. Car le capitaine le sait d’expérience, « tout ce que les combattant­s étrangers apprennent à faire ici, nous le retrouvons un jour sur un autre théâtre, au Mali ou en Libye ». Et il le craint, « peut-être, un jour, en France ». Car on trouve, parmi les défenseurs du califat, à Mossoul en Irak, ou à Raqqa en Syrie, des ressortiss­ants français. Ils seraient plusieurs centaines, selon les estimation­s du ministre de la Défense. Un contingent important, directemen­t impliqué dans les attentats qui ont frappé le territoire national. Ce qui justifie, pour Jean-Yves Le Drian, un engagement sans état d’âme de la France dans ce conflit, finalement pas si lointain. Une nécessité de protéger nos concitoyen­s en concourant concrèteme­nt à la défaite militaire de l’Etat islamique.

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