(É)LISEZ-MOI
Alexandre Jardin est candidat à l’élection présidentielle. A 15 ans, il avait dit à sa mère que son but serait d’entrer à l’Elysée. Il y a des vocations moins tenaces. Arrive un moment où le stylo et le papier ne suffisent plus. L’exemple de Malraux trône dans les mémoires. Ne pas oublier que ce ministre de la Culture a donné son nom à un plat chez Lasserre, ce restaurant où on doit prendre un ascenseur et dont le plafond coulissant s’ouvre sur le ciel. C’est un premier pas vers l’éternité. Quelle mouche pique les hommes de lettres pour qu’ils aient envie de rouler en voiture officielle ? Václav Havel a dirigé son pays. Vargas Llosa aurait bien aimé l’imiter. Norman Mailer se voyait à la mairie de New York. A la place, il a poignardé sa femme. Son rival Gore Vidal a participé à une campagne. Etait-ce pour le Sénat ? En tout cas, son slogan était « Gore is more ». Toujours modeste. Inutile de remonter à Chateaubriand et Lamartine. C’est très bien, c’est grisant d’être publié sous la couverture blanche de la NRF, d’être couronné chez Drouant. Rien ne vaut cependant le plaisir de serrer des mains sur les marchés, de crier « Vive la France ! » dans des meetings qu’on espère surpeuplés. Les plus modestes se contentent d’un poste d’ambassadeur. Paul Morand fut nommé à Londres et à Bucarest (pas exactement quand il fallait). Les poètes ne boudent pas les ors de la république. N’est-ce pas, Saint-John Perse et Claudel ? François-Régis Bastide fut expédié à Vienne et quelque part en Scandinavie. Cela le changeait du Masque et la Plume. Ah la la, ces hommes de lettres ! Parmi les légats, gros contingent sudaméricain : Octavio Paz, Carlos Fuentes, Miguel Angel Asturias. Caramba ! La liste est vaste. Laissons ces braves gens s’endormir dans des palais. Avant, il était permis de les lire. Maintenant, il faudrait les élire. Tout ça pour un malheureux « e » accent aigu.
Ah la la, ces hommes de lettres !