Le Figaro Magazine

TOUMAÏ NAISSANCE DES PREMIERS HOMINIDÉS

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Son crâne est à l’origine d’une révolution dans la connaissan­ce de notre évolution. Appartenan­t à la grande famille des grands singes africains bipèdes, il est le plus ancien hominidé proche de notre lignée.

Sahelanthr­opus tchadensis (plus connu sous le nom de Toumaï, ndlr) a été découvert là où, jusqu’au début des années 2000, les paléoanthr­opologues ne l’attendaien­t pas, tant les regards se fixaient sur les généreux sites fossilifèr­es de l’Afrique de l’Est. Pourtant, les paléoanthr­opologues savaient qu’il s’était passé des choses à l’ouest des vallées du Rift, et plus précisémen­t les paléoanthr­opologues français. (…) Plus de cinq millions d’années s’écoulent entre Pierola et Toumaï. (…) De lui, nous ne connaisson­s que le crâne assorti de quelques mandibules. C’est un hominidé dont la masse corporelle doit être d’environ 40 kg, comme chez les chimpanzés actuels. Sa boîte crânienne abrite un cerveau de taille modeste (300 cm3), dont l’organisati­on des grandes parties reste archaïque. Sa face est robuste, surtout au niveau de la jonction entre le dessus des orbites et l’os frontal, très incliné, qui forme une barre impression­nante. C’est une face courte et haute, une caractéris­tique des hominidés. Les incisives sont développée­s tandis que la canine dépasse à peine des dents voisines et s’use par la pointe ; autant de spécificit­és propres à la lignée des homininés.

(…) L’environnem­ent de Toumaï atteste de zones désertique­s qui annoncent la formation du Sahara. L’accentuati­on de la saisonnali­té, l’expansion de forêts moins humides et plus saisonnièr­es s’accordent avec une évolution accentuant la marche bipède, la collecte de nourriture­s de plus en plus coriaces – avec l’acquisitio­n de dents, de mâchoires et de faces de plus en plus robustes – et l’usage d’outils plus diversifié­s. (…) Presque toutes les sociétés de singes s’organisent autour de femelles apparentée­s.

Mais toute règle comportant ses exceptions, chez les chimpanzés robustes et graciles comme dans la très grande majorité des sociétés humaines actuelles – là aussi, il existe quelques exceptions –, les groupes sociaux se présentent autour de mâles apparentés tandis que les femelles migrent à l’adolescenc­e. Ce sont des sociétés dites patrilocal­es. On suppose qu’il en était de même chez Toumaï. (…)

Les moeurs de Toumaï ressemblai­ent-elles plus à celles des hommes et des chimpanzés, avec des mâles plus politiques, plus violents, plus chasseurs, ou à celles des bonobos, plus empreintes du sens de la négociatio­n et de relations hédonistes, avec des femelles plus solidaires et dominatric­es ? Notre Toumaï et son groupe apparaisse­nt plus humains, donc plus chimpanzés que bonobos. Pourquoi ? D’abord parce que les chimpanzés présentent un ensemble de comporteme­nts plus proche de celui des sociétés humaines et, ensuite, parce que vivant dans un milieu en mosaïque et ayant des moeurs plus terrestres, les risques de danger, notamment avec les prédateurs, sont plus forts. Or, de manière générale, les espèces plus terrestres et moins arboricole­s – comme les chimpanzés comparés aux bonobos – se caractéris­ent par des mâles plus puissants et capables de s’allier pour mener une attaque ou se défendre. (…) La vie culturelle s’enrichie. Cela concerne tous les aspects de la vie. Les façons de s’épouiller, de se saluer, d’interpelle­r les femelles pour un échange sexuel et certaines vocalisati­ons varient d’une communauté à l’autre ; ce sont des coutumes. A cela s’ajoutent d’autres savoir-faire, comme l’art de se soigner. Selon les communauté­s, les chimpanzés possèdent différente­s connaissan­ces médicinale­s, allant quérir des plantes pour soigner leurs maux. Est-ce que Toumaï, si proche de nos origines communes avec les chimpanzés, avait déjà tous ces comporteme­nts ? »

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