LE LIVRE QUI DÉRANGE
CHERS AMATEURS D’HISTOIRE DE FRANCE, vous n’ignorez pas combien la Révolution française revient régulièrement dans les discours des hommes politiques en campagne, toujours prompts à en souligner les bienfaits, la grandeur, la modernité, la nécessité. Sans elle, n’est-ce pas, pas de liberté, pas d’égalité, pas de fraternité, pas de droits de l’homme… Enthousiasme que tempère à peine l’évocation des massacres de masse en Vendée. Dommages collatéraux d’une « guerre civile » propre aux excès de tout côté, « circonstances exceptionnelles », zèle de commandants locaux incontrôlables : les excuses ne manquent pas pour justifier ces dizaines de milliers de morts qui jonchèrent champs et lits de rivières de l’ouest de la France. Pour avoir avancé qu’il ne s’agissait pas moins là d’un génocide, fruit d’une intention exterminatrice, l’historien Reynald Secher fut naguère cloué au pilori, stigmatisé, interdit d’enseignement dans l’université, désigné comme « révisionniste ». Comme si dénoncer les horreurs de la Terreur supposait qu’on rejetterait la Révolution en bloc - ça se discute. Diplomate et juriste ayant travaillé pour les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, Jacques Villemain apporte son soutien « technique » à la thèse de Reynald Secher. En analysant froidement les événements à la lumière de concepts certes érigés au XXe siècle mais correspondant à des réalités historiques, il montre et prouve que les populations civiles vendéennes furent victimes tour à tour de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Jugement implacable étayé par une analyse minutieuse des textes et des témoignages laissés notamment par les trois grands responsables des atrocités perpétrés alors : Turreau (l’organisateur des « colonnes infernales » mises en branle contre les populations civiles après que la résistance militaire blanche a été anéantie), Carrier (ordonnateur des « noyades de Nantes », également baptisées « déportations verticales » ) et Robespierre (qui appelait, au nom du Comité de Salut public à « exterminer tous les rebelles de Vendée » ).
Vendée 1793-1794 (Cerf) est un livre marquant et remarquable qui trouble, dérange, secoue. C’est souvent le cas de la vérité. Post- apostrophum : autant préciser que Patrick Boucheron et ses amis n’évoquent bien entendu aucunement cette page sombre de la Révolution dans leur Histoire mondiale de la France…