LES DÉGÂTS DE LA JUSTICE
La tragédie d’Outreau, le mur des cons, les atteintes répétées au secret de l’instruction et à la présomption d’innocence : la justice française choque souvent le grand public. Raison de plus pour tendre l’oreille lorsque ses dysfonctionnements sont pointés par les magistrats eux-mêmes. Et pas n’importe lesquels. Ceux qui s’expriment devant la caméra de Danièle Alet sont expérimentés. Ils ont trente ans et plus d’une carrière honorable, voire brillante. Et ils accusent une institution qui se dégrade. Dégradation qui fait des drames chez les juges mêmes. Entre 2010 et 2012, quatre suicides de magistrats de la cour d’appel de Versailles, comme celui, déchirant, du juge d’instruction Philippe Tran Van, dont la famille témoigne. On voit aussi Georges Domergue (photo), conseiller à la même cour d’appel, en grève de la faim pendant plus de trente jours. Les causes de tout cela : surcharge de travail, mauvaise estimation des juges par la hiérarchie, qui note en gestionnaire et s’attache, non au travail fourni, mais à la per- formance, c’est- àdire au quantitatif. Pire, l’institut ion judiciaire nie. Ceux qui se suicident ne connaissent, selon elle, que des drames personnels. Lors du débat (inutile) qui suit ce film (remarquable et accablant), Pierre Januel, porteparole du ministère, ancien attaché parlementaire du groupe écologiste, botte en touche, mais peut- il faire autrement ? Après un tel reportage, il eût fallu, avec le garde des Sceaux, un entretien solennel mené par un journaliste compétent.
« Sois juge… et tais-toi ? », de Danièle Alet. LCP Assemblée nationale, Lundi 20 mars, 20 h 30 ; mardi 28 mars, 00 h 30 ; mardi 13 avril, 00 h 30 ; vendredi 21 avril, 20 h 30. Suivi d’un débat « Justice : gare aux burn-out ».