LE PRINTEMPS DES COMÉDIES MUSICALES
Les comédies musicales marchent de mieux en mieux. Au point que les producteurs en programment une deuxième salve en début d’année après celle d’automne. De très grosses productions côtoient des créations plus intimistes, le pire comme le meilleur.
On peut sans doute éviter Jersey Boys au Palace, très bien chanté, mais dont les discours et les textes sont totalement indigents. On peut hésiter avec Saturday Night Fever, énorme production au Palais des sports plus conçue comme un show télévisé que comme un spectacle, très bien chantée et très bien dansée, mais là aussi avec un livret affligeant. Du côté des petites productions, c’est un grand moment de dérision qu’offre le quintet Cinq de coeur aux Bouffes parisiens où cinq acrobates de la voix jonglent avec les airs les plus connus du répertoire ainsi qu’avec les refrains les plus célèbres de la pop. On a aussi les Divalala, tous les lundis soir à 19 h 30 au Théâtre Trévise, qui, grâce à la bonne chanson française, raillent la gente féminine.
Mais de ce foisonnement, deux spectacles se détachent nettement : 31 au studio des Champs-Elysées et Priscilla, folle du désert au Casino. Avec Priscilla, c’est une débauche de costumes et un déferlement de musique disco. Philippe Hersen, le metteur en scène de cette adaptation du fameux film de Stephan Elliott, s’est lancé dans une fresque flamboyante, presque caricaturale par moments. Mais l’épopée de ces deux drag-queens et de cette transsexuelle traversant le désert australien au volant d’un autobus appelé « Priscilla » n’en méritait pas moins ! Dès le lever du rideau, on rit des réparties croustillantes de ces trois phénomènes qui découvrent le fin fond de la province tout en répétant leur spectacle sur des tubes de la période disco. Sans orchestre, mais avec de très belles voix et des décors très bien conçus, cette aventure extravagante doublée d’une expérience musicale est un grand divertissement. 31 réserve une tout autre atmosphère : les retrouvailles rituelles de quatre vieux amis le soir du 31. Une situation des plus banales, à ceci près qu’ici on remonte les années, de réveillon en réveillon, jusqu’à leur première rencontre vingt ans plus tôt. On découvre comment se sont faites les amitiés, mais aussi l’origine des non-dits, des aigreurs et des tensions. C’est psychologiquement très intéressant et souvent très drôle. Une comédie à demi musicale (il y a neuf jolies chansons), bien jouée et très bien chantée, pleine de finesse et d’inattendu.