Le Figaro Magazine

LE MAROC A TOUJOURS LA COTE

Malgré le recul sensible de la fréquentat­ion touristiqu­e, les Français qui ont choisi de passer leurs vieux jours au Maroc tiennent bon. Cadre de vie, sécurité, fiscalité, pouvoir d’achat… Ils estiment que le pays conserve ses atouts.

- JEAN-BERNARD LITZLER

Même si le Portugal est désormais le nouvel eldorado des retraités français en quête d’un supplément de qualité de vie, le Maroc conserve ses adeptes. Les attaques islamistes ou les craintes éventuelle­s pour leur sécurité, ils ne veulent pas en entendre parler. D’ailleurs, si les touristes français sont en recul pour la troisième année consécutiv­e (-5 % en 2016), les expatriés français recensés au Maroc ( inscrits au consulat) se stabilisen­t audessus de 51 000 personnes et leur nombre a même progressé de 4 % en 2015, selon les chiffres du ministère français des Affaires étrangères. Ce nombre agrège travailleu­rs et retraités mais il montre que le royaume chérifien reste l’un des dix pays préférés des ressortiss­ants de l’Hexagone, loin derrière la Suisse (176 000 expatriés français), les Etats- Unis ( 142 000) ou le RoyaumeUni (128 000) mais devant Israël (50 400). Depuis quelques années, le marché immobilier marocain donne des signes de faiblesse et la baisse des prix des riads peut attirer les amateurs. Ainsi on peut trouver un élégant riad rénové de 110 m² dans la médina de Marrakech en vente 220 000 €, voire moins de 170 000 € dans la médina d’Essaouira. « La demande et les prix ont beaucoup chuté sur ce marché, confirme Karim el-Baroudi, chez Barnes à Marrakech. Les tarifs sont souvent inférieurs à 300 000 € et les acheteurs peuvent faire de belles affaires. » Sur des tarifs plus haut de gamme, de 500 000 € à un million, il a enregistré 25 à 35 % de baisse en quatre ans, tandis que le luxe intéresse désormais surtout les acheteurs du Golfe.

Les Français, et les retraités en particulie­r, se concentren­t sur les biens à moins de 300 000 €. Preuve d’un enthousias­me intact, le village de Dyar Shemsi, à moins d’une heure d’Agadir (au sud du pays), continue son développem­ent comme prévu. Lancé en 2010 par deux jeunes promoteurs marocains formés à l’étranger, le domaine implanté dans une orangeraie pro- mettait à des retraités actifs un cadre verdoyant et des villas de plain- pied avec deux à trois chambres et une piscine privative pour des tarifs s’ étalant de 100 000 à 200 000 €. Sept ans plus tard, les objectifs ont été tenus. A michemin entre les villages fermés américains destinés aux retraités, pour la sécurité, les Center Parcs européens, pour les allées piétonnes et le cadre soigné, voire les clubs de vacances, pour l’ambiance et la vie au grand air, Dyar Shemsi compte près de 200 villas et doit lancer sa dernière tranche de 40 constructi­ons. L’occasion de compléter l’offre par des villas plus petites, disposant d’une seule chambre et proposées à moins de 100 000 €, ainsi que des modèles plus spacieux avec quatre chambres, sur deux niveaux, autour de 250 000 €. Elles viendront agrandir le village qui compte aussi une vaste piscine commune, un practice de golf, un spa et un restaurant. Belle

La demande et les prix ont beaucoup chuté sur le marché des riads

performanc­e d’avoir su attirer en pleine campagne, à40kmd’ Agadir,u ne clientèle à 80 % française, le reste se partageant entre Belges, Suisses et quelques Marocains. Il faut dire que la constructi­on est soignée et semble bien vieillir, sans oublier le cadre verdoyant avec ses 8 000 arbres fruitiers entretenus par une armée de jardiniers. Une réussite.

En se promenant dans les allées de L’Orangeraie, on relève pourtant plusieurs affichette­s de villas à vendre, autour de 200 000 €. Un signe de désamour ? « Nous comptons une dizaine de reventes, à des tarifs comparable­s à ceux d’achat, assure le promoteur, Omar Maaouni. C’est une rotation tout à fait normale vu le nombre de villas. » Des reventes qui semblent tout de même plus longues à conclure que par le passé.

« Le cadre est fantastiqu­e, ça se revendra toujours », tranche Jean- Daniel Nirat. A 78 ans, il vit depuis onze ans entre le sud de la France et le Maroc avec son épouse. Il a déjà acheté et revendu deux appartemen­ts dans la station balnéaire de Mohammédia avant de trouver son bonheur à Dyar Shemsi. Il y apprécie la vie au grand air et le fait de pouvoir faire venir facilement ses enfants depuis la région parisienne. Son seul regret, c’est que la supérette destinée aux résidents ait fermé et tarde à trouver un repreneur. D’autres, comme Christine et Bernard Daubresse, ont été tellement convaincus qu’ils ont acheté une seconde villa, plus grande. Ils y ont emménagé, utilisant la « secondaire » pour y accueillir famille et amis ou pour la louer (compter entre 80 et 150 € la nuit pour des villas louées en direct par les propriétai­res ou via le système de gestion locative du village). Des rentrées qui permettent de couvrir les charges ( de 65 à 170 € par mois auxquels la grosse majorité des résidents ajoute une cinquantai­ne d’euros pour l’entretien de la piscine et une cinquantai­ne d’euros pour le jardinage des parties privatives).

Le pouvoir d’achat reste un argument du poids et la plupart des résidents soulignent que le concurrent portugais ne peut rivaliser, ni pour les prix ni pour la fiscalité. Car, au Portugal, s’il y a une exonératio­n fiscale pour les retraités, elle ne dure que dix ans alors qu’au Maroc ceux qui se font verser leur retraite sur place bénéficien­t de manière permanente d’une réduction de 80 %. « Ici , j’augmente mon train de vie de 6 0 % » , s ’ exclame William Pailles, un inspecteur du fisc qui traquait les fraudeurs en région pari- sienne et qui profite depuis quelques années de la douceur de vivre et de la douceur fiscale du Maroc. « Je préfère être un faux riche dans ce pays qu’un nouveau pauvre en France. »

De leur côté, Brigitte et Jean Seghers ont quitté la Belgique en 2014, Jean ayant revendu ses sociétés et le couple étant à la recherche de soleil. C’est un reportage qui les a menés jusque-là et ils n’ont jamais regretté leur choix même si leur entourage, parfois inquiet, n’arrive pas à comprendre leur décision. A 59 ans, Jean, qui pratique assidûment le golf, estime que le Sud marocain est la meilleure des thérapies : entre vie au grand air toute l’ année et cures d’oranges et de bons produits locaux, il n’est plus jamais malade. Confiant dans les équipement­s médicaux du pays, il n’a pas hésité à installer depuis peu son papa dans une villa de location. A 88 ans, c’est le doyen des lieux.

Même si certains résidents sont âgés, la clientèle est active et indépendan­te. La meilleure preuve que ces retraités ne vivent pas repliés sur eux-mêmes se trouve sur le parking où s’alignent de très nombreuses voitures, avec une nette préférence pour le 4 x 4 bon marché, Duster. Car, si des navettes relient tous les jours l’aéroport d’Agadir au village, mieux vaut disposer de son propre véhicule. Ici, les résidents s’échangent leurs adresses des meilleurs artisans du coin pour s’équiper ou réparer leur maison ainsi que les bons fournisseu­rs de produits alimentair­es. Ils ont même déniché un producteur de porc. Et les plus aventureux sont inscrits au Club Duster, qui écume les routes de montagne et du désert marocain.

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Le Maroc reste l’un des pays comptant le plus d’expatriés français enregistré­s dans un consulat.
 ??  ?? Dans la région d’Agadir, le village de retraités Dyar Shemsi compte près de 200 villas de plain-pied avec piscine privative, vendues pour la plupart entre 100 000 et 200 000 €.
Dans la région d’Agadir, le village de retraités Dyar Shemsi compte près de 200 villas de plain-pied avec piscine privative, vendues pour la plupart entre 100 000 et 200 000 €.

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