Le Figaro Magazine

Expo : quand le dessin fait salon

Près de 40 exposants dévoileron­t leurs trésors du 22 au 27 mars, au palais de la Bourse, à Paris.

- LAURENCE MOUILLEFAR­INE

Le printemps revient et, avec lui, les précieuses feuilles que nous apportent les 39 exposants du Salon du dessin. Comment choisir ? Arrêtonsno­us sur les oeuvres auréolées d’un destin. Ainsi, le Saint François d’Assise découvert par la Galerie de Bayser. Les Bayser sont quatre frères (d’une famille de 11 enfants) qui officient dans ce cabinet d’expertise fondé par leur grand-père. Et chacun de surveiller sur internet les ventes aux enchères à travers la planète. Ainsi l’un d’eux remarquat-il dans une modeste dispersion en Suisse une Etude d’homme en pied les poings serrés, dessin anonyme annoncé comme « école allemande du XVIe siècle ». Sous un crayon ô combien vibrant, nos experts reconnaiss­ent le style d’Ingres – oui, no- tre grand Jean Auguste Dominique Ingres. Bingo ! Mieux, l’oeuvre va s’avérer historique. Il s’agit d’une esquisse pour les 12 vitraux de la chapelle Saint- Ferdinand que commanda le roi des Français, LouisPhili­ppe, en souvenir de son fils aîné Ferdinand Philippe. L’église, aussi appelée Notre-Dame de Compassion, fut édifiée près de la Porte Maillot à Paris, sur le lieu même où le jeune prince trouva la mort dans un accident de calèche… Bondissons vers un sujet plus joyeux – du moins en apparence – sur le stand de Damien Boquet où se fait remarquer une Tête de Polichinel­le par Gino Severini. L’Italien réalisa des décoration­s murales autour de la commedia dell’arte au château de Montegufon­i en Toscane pour un lord anglais, sir George Sitwell. Damien Boquet propose un accrochage thématique sur « Le masque et son double » illustrant trois décennies de l’avant-garde – depuis les Années folles qui ont le goût des fêtes costumées jusqu’aux années 40. « La guerre venue, explique le galeriste, nombre de peintres s’exilent aux Antilles, en Amérique latine et là, ils rencontren­t les cultures locales, le totémisme, la magie, l’animisme ; le masque devient l’instrument qui permet de communique­r avec des forces obscures. » Place au fantastiqu­e. Un autre coup de coeur ? Bien sûr, pour une charmante jeune fille datant de 1885, que dévoile Martin Moeller, marchand de Hambourg. Malgré son attitude nonchalant­e, le modèle, en robe à carreaux et sac à la main, semble conscient d’être regardé. L’auteur de la page, l’Allemand Franz Skarbina, collabora à des revues de mode, on le sent bien. Professeur à l’Académie royale de Berlin, il fut, par ailleurs, le premier à ouvrir le métier d’artiste aux femmes. S’il fut célèbre en son temps, membre de la Sécession berlinoise en lutte contre le conservati­sme imposé par l’empereur, et influencé par l’impression­nisme, il fut oublié après la Première Guerre mondiale. Ce dessinateu­r délicat revient en gloire. Martin Moeller n’apporte pas un dessin de Skarbina au salon, mais une dizaine qu’il a mis plusieurs années à rassembler, et publie un catalogue à cette occasion. Mini-exposition monographi­que, également, à la Galerie de la Présidence qui aborde Paul Signac. Le maître est passionné de voile. A 65 ans, en 1929, il rêve de faire le tour des ports de France et de les peindre. Un collection­neur, Gaston Lévy, fondateur de la chaîne des

magasins Monoprix, finance le projet. Le périple sur les rivages de l’Atlantique, de la Manche et de la Méditerran­ée dure deux ans et demi et donne naissance à 90 aquarelles. Quelques-unes refont surface. « La technique de l’aquarelle offre une liberté à Signac, ses oeuvres sur papier montrent une spontanéit­é, une sensibilit­é que n’ont pas toujours ses tableaux pointillis­tes » , souligne Françoise Chibret. Terminons notre voyage aux EtatsUnis en compagnie de Bernard Boutet de Monvel, dandy séduisanti­ssime, portraitis­te mondain, marié à une milliardai­re chilienne. Lorsque l’esthète découvre New York dans les années 20, il est subjugué par la modernité des gratte-ciel, par le gigantisme des constructi­ons en chantier. Celui que la presse américaine désigne comme « le plus bel homme d’Europe » croque et peint la ville sur le terrain. C’est un immeuble de Wall Street que décrit le dessin de la Galerie Terrades. Les vues graphiques de Manhattan par Boutet de Monvel sont prisées, très prisées. Il faut dire qu’elles ne courent pas les rues. Salon du dessin, palais de la Bourse, Paris IIe, du 22 au 27 mars (www.salondudes­sin. com).

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 ??  ?? L’aquarelle « Jeune femme portant un enfant », 1880, de Franz Skarbina, à paraître dans le catalogue de l’artiste.
L’aquarelle « Jeune femme portant un enfant », 1880, de Franz Skarbina, à paraître dans le catalogue de l’artiste.
 ??  ?? La « Vue de New York vers 1930 », dessinée par Bernard Boutet de Monvel, se situe à Manhattan à l’angle de Broadway et de Wall Street.
La « Vue de New York vers 1930 », dessinée par Bernard Boutet de Monvel, se situe à Manhattan à l’angle de Broadway et de Wall Street.
 ??  ?? « La Rochelle », 1924, lavis d’encre de Paul Signac, un amoureux du nautisme qui, sa vie durant, a peint des ports maritimes ou fluviaux.
« La Rochelle », 1924, lavis d’encre de Paul Signac, un amoureux du nautisme qui, sa vie durant, a peint des ports maritimes ou fluviaux.
 ??  ?? « Saint François d’Assise », 1842, par Jean Auguste Dominique Ingres est l’esquisse pour un vitrail ornant la chapelle Saint-Ferdinand, à Paris.
« Saint François d’Assise », 1842, par Jean Auguste Dominique Ingres est l’esquisse pour un vitrail ornant la chapelle Saint-Ferdinand, à Paris.
 ??  ?? « Masques fantastiqu­es en vert » d’Esteban Francés, une oeuvre ayant appartenu à Edward James, excentriqu­e collection­neur féru de surréalism­e.
« Masques fantastiqu­es en vert » d’Esteban Francés, une oeuvre ayant appartenu à Edward James, excentriqu­e collection­neur féru de surréalism­e.
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La « Tête de Polichinel­le », fusain de Gino Severini, vers 1922-1923, apparaît sur un stand thématique traitant du « Masque et son double ».

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