Le Figaro Magazine

Les insolences d’Eric Zemmour

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Bien sûr, il y a Penelope. Le travail de Penelope, les salaires de Penelope, les enfants de Penelope. Et puis les costumes de Fillon. Et demain ? Les voitures de Fillon ? Les cigares de Fillon ? Les maîtresses de Fillon ? Mais il y a aussi Marine Le Pen ! Les emplois fictifs de Marine Le Pen. Et demain, il y aura le patrimoine de Marine Le Pen. Et celui de son père. Et de toute la famille. Et l’on parle désormais d’une plainte de l’associatio­n Anticor contre la déclaratio­n de patrimoine d’Emmanuel Macron. L’élection présidenti­elle avait été conçue par de Gaulle comme la rencontre d’un homme et d’un peuple ; elle tourne à la rencontre d’un homme et d’un juge. La présidenti­elle a été conçue comme le sommet de notre vie politique ; elle devient le sommet d’une vie morale. On croyait être dans le monde de Machiavel et l’on se retrouve dans celui de Savonarole. On croyait voter pour le plus utile, ou au pire, pour le plus habile ; on est sommé de choisir le plus vertueux. On ignorait que l’Elysée était l’antichambr­e d’un monastère où l’on devait, pour y entrer, faire voeu de probité ou de chasteté. Les juges, aidés par les médias, ont détourné et vidé de son sens la campagne présidenti­elle. Un véritable putsch. Du coup, on ne parle ni de chômage, ni d’immigratio­n, ni de sécurité, ni d’islam, ni de terrorisme, ni de laïcité, ni de banlieues, ni d’industrie, ni d’Europe, ni de libre-échange, ni d’euro, ni de dettes. Rien. Déjà, lors des pri- maires, on avait remarqué que certains sujets étaient occultés. Jacques Julliard avait ainsi relevé avec ironie que « l’islam (était) le passager clandestin de l’élection présidenti­elle ».

Les candidats font de la résistance : Hamon parle de son revenu universel ; Mélenchon chiffre son plan de relance keynésien ; Marine Le Pen défend les PME et condamne l’euro ; Macron supprime la taxe d’habitation ; Fillon continue de supprimer les 35 heures et 500 000 emplois de fonctionna­ires. On lit dans les journaux de grandes tirades catastroph­iques en cas de sortie de l’euro ; on avait lu les mêmes avant le Brexit. Les arguments sont sur la table, mais il n’y a pas de véritable débat. On n’argumente pas, on fait peur. On n’accuse pas, on fait la morale. On ne sait si cela est voulu ou pas. Si le « système » médiatico-politique fait tout pour ne pas aborder les sujets qui fâchent ? Ou si les Français sont complices.

Ils étaient jusqu’alors cyniques en politique. Ils avaient eu Mazarin et Talleyrand ; ils estimaient que la valeur morale passait derrière la capacité d’un homme d’Etat à préserver les intérêts, voire la survie de la nation. Ils auraient changé ? Ou ils jugeraient que les politiques d’aujourd’hui ne rempliraie­nt plus leur mission de protection de la nation ? S’ils ne servent à rien, qu’ils soient honnêtes ! Ou les Français ne parviendra­ient pas à se faire entendre dans le brouhaha judiciaro-médiatique, comme une partie d’entre eux l’a montré au Trocadéro en sauvant la mise de Fillon ? Quand la campagne présidenti­elle commencera-t-elle vraiment ?

Les arguments sont sur la table, mais il n’y a pas de débat. On n’argumente pas, on fait peur ! On n’accuse pas, on fait la morale !

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