Le Figaro Magazine

Lecture-Polémique

- JEAN-CHRISTOPHE BUISSON

Il y a quelques jours, des islamistes ont attaqué un barrage de sécurité en Tunisie, tuant un policier et en blessant trois autres. Comme il y a six mois, à Kasserine, ils ont été repoussés. La différence ? L’été dernier, ce sont des femmes qui, avec un courage forçant l’admiration, étaient descendues dans les rues de leur ville pour marcher en direction des assaillant­s au cri de « Dégage, terrorisme ». Ainsi va la Tunisie contempora­ine : vivier de djihadiste­s et fer de lance de la résistance à l’islamisme radical.

C’est par une conversati­on au téléphone avec sa grand-mère de La Goulette, Delenda (sic !), offusquée que les médias français ne donnent pas plus d’écho à l’événement, que la journalist­e franco-tunisienne Sonia Mabrouk entame son essai percutant * dont chaque chapitre est une leçon d’humanité et de tolérance mais aussi d’intelligen­ce, de déterminat­ion, de lucidité et d’amour de la France (et de la Tunisie !). A la lire, on pense à Montaigne et à sa morale du « juste milieu » : si elle s’agace du discours identitair­e stigmatisa­nt un peu vite parfois tous les musulmans lors de chaque acte de terrorisme accompli au nom de l’islam, elle n’en dénonce pas moins avec force « la banalisati­on coupable du salafisme » en France et la discrétion, voire le silence parfois suspect, des grandes voix musulmanes nationales (surtout depuis la disparitio­n de Malek Chebel). Pour l’animatrice du « Débat des grandes voix » (sur Europe 1) et d’« On va plus loin » (sur Public Sénat), dont l’optimisme est comme une seconde nature, les partisans d’un islam culturel autant que cultuel (comme elle) ne sortiront de l’assignatio­n à résidence religieuse et identitair­e dont ils sont victimes qu’en revendiqua­nt comme elle sans ambages leur attachemen­t au patrimoine historique, à la langue et aux valeurs de cette République française qui a fait d’eux ses enfants. « Nous ne sommes pas des victimes. Bien sûr, il y a des difficulté­s sociales, d’énormes problèmes d’accès à l’éducation, à l’emploi. Cela étant, il ne faut pas accréditer l’idée que les musulmans sont des citoyens à assister ! Stop à cette victimisat­ion permanente. » Des paroles fortes qui rythment avec bonheur un livre de salut public, à la fois gai et grave, construit autour de ses débats (souvent enflammés) avec Delenda, dont le regard acéré et subtil sur la politique française se révèle aussi précieux et souvent bien plus juste que certains éditoriaux de la presse française…

En finir avec « la banalisati­on coupable du salafisme »

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* Le monde ne tourne pas rond, ma petite- fille, Flammarion, 216 p., 19 €.
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