Le Figaro Magazine

FRAUKE PETRY, DURE PARMI LES DURS

- À BERLIN, NICOLAS BAROTTE

Ils ne l’aiment pas et elle ne les aime pas non plus. Frauke Petry joue son avenir politique ces jours-ci. Celle qui était en passe de devenir « la Le Pen d’outre-Rhin », le visage de la droite radicale allemande, se bat désormais pour rester à la tête de l’Alternativ­e für Deutschlan­d (AfD). Ce week-end, lors d’un congrès à Cologne, ses adversaire­s vont tenter, si ce n’est de la renverser, de corseter son pouvoir en imposant une direction collégiale à la campagne des élections fédérales de septembre. Pour cette femme ambitieuse qui voulait défier Angela Merkel, ce serait une humiliatio­n. Elle a laissé entendre récemment, alors qu’elle est enceinte de plusieurs mois, qu’elle pourrait arrêter la politique. Frauke Petry rêvait pourtant de faire sortir la droite radicale allemande de ses confins groupuscul­aires. Il y a quelques mois encore, l’AfD obtenait jusqu’à 15 % d’intentions de vote. Mais l’AfD est, aujourd’hui, comme elle sur le point de rupture.

Ancienne chef d’entreprise née en ex-Allemagne de l’Est, mère de quatre enfants (bientôt cinq), remariée, Frauke Petry est à 41 ans une femme moderne. Appliquée et déterminée, elle n’a rien d’un tribun populiste. Avec son discours « libéral et conservate­ur », elle assure défendre un programme que la CDU a abandonné. Mais elle est aussi adepte de provocatio­ns ciblées : justifier le droit de faire feu sur des réfugiés qui passeraien­t la frontière illégaleme­nt ou encore réhabilite­r le terme « völkisch » (national) connoté à l’extrême droite dans la langue allemande.

Son profil médiatique a fait d’elle est une habituée des talk-shows allemands où elle dénonce les élites politiques. Mais il a suscité l’exaspérati­on de ses rivaux. A leurs yeux, qu’ils s’appellent Björn Höcke, Alexander Gauland ou Jörg Meuthen, Frauke Petry serait trop autoritair­e, trop solitaire, opportunis­te et carriérist­e. Et peut-être trop modérée. Elle veut le pouvoir, ils refusent d’adoucir leurs discours. La chef de file de l’AfD a donc tenté ces derniers mois d’exclure les plus radicaux du parti, notamment Björn Höcke. Dans un discours usant de la rhétorique d’extrême droite, cet élu de Thuringe a regretté en janvier la culpabilit­é historique de l’Allemagne. Ses propos ont choqué et coïncidé avec une chute dans les sondages. Jusqu’à présent, elle a échoué.

Frauke Petry se révèle de plus en plus isolée dans son parti. Et si ses adversaire­s ne peuvent l’atteindre, elle, c’est son mari, Marcus Pretzell, responsabl­e de l’AfD en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui est attaqué. Un ancien collaborat­eur, Michael Klonovsky, l’a ainsi accusé le mois dernier de fraude. Dans un texte intitulé « Les Bonnie and Clyde de l’AfD », il s’en est pris au couple et a « déconseill­é » de désigner Frauke Petry tête de liste pour les élections de septembre. Elle a perdu le contrôle des extrémiste­s du parti. Pour s’installer à la tête de l’AfD, il y a deux ans seulement, Frauke Petry avait pourtant joué avec eux. Le parti était encore jeune : il avait été fondé peu avant les élections de 2013 par des économiste­s euroscepti­ques. Ceux-ci repèrent alors en Petry une jeune femme talentueus­e et avide de politique. Dans un parti vierge, elle gravit rapidement les échelons. En Saxe, où elle est chef de file, le parti rencontre ses premiers succès : 9,7 % aux élections régionales de 2014. Mais en coulisses, la nouvelle élue trouve Bernd Lucke, le président de l’AfD, trop terne et trop techno. Parvenue à la direction du parti, elle ne partage pas la stratégie du professeur qui veut continuer à concentrer ses critiques sur l’Europe et qui veut prendre ses distances avec les plus radicaux, dont Björn Höcke. Sans hésiter, elle s’empare du thème de l’immigratio­n laissé vacant. Les militants suivent sa radicalisa­tion. Bernd Lucke est débordé par la base et renversé lors d’un congrès en juillet 2015. « Mon erreur aura été de faire confiance à Frauke Petry », dira-t-il plus tard. C’est désormais à son tour d’être mise à l’épreuve par les plus durs du parti.

Elle a perdu le contrôle des extrémiste­s du parti

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A 41 ans, Frauke Petry joue son va-tout pour rester à la tête d’un...
Son parti d’extrême droite, Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD), connaît une sévère chute dans les sondages et se réunit ce weekend, à cinq mois des élections fédérales de septembre. A 41 ans, Frauke Petry joue son va-tout pour rester à la tête d’un...

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