FRAUKE PETRY, DURE PARMI LES DURS
Ils ne l’aiment pas et elle ne les aime pas non plus. Frauke Petry joue son avenir politique ces jours-ci. Celle qui était en passe de devenir « la Le Pen d’outre-Rhin », le visage de la droite radicale allemande, se bat désormais pour rester à la tête de l’Alternative für Deutschland (AfD). Ce week-end, lors d’un congrès à Cologne, ses adversaires vont tenter, si ce n’est de la renverser, de corseter son pouvoir en imposant une direction collégiale à la campagne des élections fédérales de septembre. Pour cette femme ambitieuse qui voulait défier Angela Merkel, ce serait une humiliation. Elle a laissé entendre récemment, alors qu’elle est enceinte de plusieurs mois, qu’elle pourrait arrêter la politique. Frauke Petry rêvait pourtant de faire sortir la droite radicale allemande de ses confins groupusculaires. Il y a quelques mois encore, l’AfD obtenait jusqu’à 15 % d’intentions de vote. Mais l’AfD est, aujourd’hui, comme elle sur le point de rupture.
Ancienne chef d’entreprise née en ex-Allemagne de l’Est, mère de quatre enfants (bientôt cinq), remariée, Frauke Petry est à 41 ans une femme moderne. Appliquée et déterminée, elle n’a rien d’un tribun populiste. Avec son discours « libéral et conservateur », elle assure défendre un programme que la CDU a abandonné. Mais elle est aussi adepte de provocations ciblées : justifier le droit de faire feu sur des réfugiés qui passeraient la frontière illégalement ou encore réhabiliter le terme « völkisch » (national) connoté à l’extrême droite dans la langue allemande.
Son profil médiatique a fait d’elle est une habituée des talk-shows allemands où elle dénonce les élites politiques. Mais il a suscité l’exaspération de ses rivaux. A leurs yeux, qu’ils s’appellent Björn Höcke, Alexander Gauland ou Jörg Meuthen, Frauke Petry serait trop autoritaire, trop solitaire, opportuniste et carriériste. Et peut-être trop modérée. Elle veut le pouvoir, ils refusent d’adoucir leurs discours. La chef de file de l’AfD a donc tenté ces derniers mois d’exclure les plus radicaux du parti, notamment Björn Höcke. Dans un discours usant de la rhétorique d’extrême droite, cet élu de Thuringe a regretté en janvier la culpabilité historique de l’Allemagne. Ses propos ont choqué et coïncidé avec une chute dans les sondages. Jusqu’à présent, elle a échoué.
Frauke Petry se révèle de plus en plus isolée dans son parti. Et si ses adversaires ne peuvent l’atteindre, elle, c’est son mari, Marcus Pretzell, responsable de l’AfD en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui est attaqué. Un ancien collaborateur, Michael Klonovsky, l’a ainsi accusé le mois dernier de fraude. Dans un texte intitulé « Les Bonnie and Clyde de l’AfD », il s’en est pris au couple et a « déconseillé » de désigner Frauke Petry tête de liste pour les élections de septembre. Elle a perdu le contrôle des extrémistes du parti. Pour s’installer à la tête de l’AfD, il y a deux ans seulement, Frauke Petry avait pourtant joué avec eux. Le parti était encore jeune : il avait été fondé peu avant les élections de 2013 par des économistes eurosceptiques. Ceux-ci repèrent alors en Petry une jeune femme talentueuse et avide de politique. Dans un parti vierge, elle gravit rapidement les échelons. En Saxe, où elle est chef de file, le parti rencontre ses premiers succès : 9,7 % aux élections régionales de 2014. Mais en coulisses, la nouvelle élue trouve Bernd Lucke, le président de l’AfD, trop terne et trop techno. Parvenue à la direction du parti, elle ne partage pas la stratégie du professeur qui veut continuer à concentrer ses critiques sur l’Europe et qui veut prendre ses distances avec les plus radicaux, dont Björn Höcke. Sans hésiter, elle s’empare du thème de l’immigration laissé vacant. Les militants suivent sa radicalisation. Bernd Lucke est débordé par la base et renversé lors d’un congrès en juillet 2015. « Mon erreur aura été de faire confiance à Frauke Petry », dira-t-il plus tard. C’est désormais à son tour d’être mise à l’épreuve par les plus durs du parti.
Elle a perdu le contrôle des extrémistes du parti