Le Figaro Magazine

ÉDOUARD CARMIGNAC : “JE ME VIDE L’ESPRIT EN POURSUIVAN­T DE GROS POISSONS !”

- PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE PAPAZIAN

Il est sans conteste le financier français qui a réussi dans la gestion d’actifs. La société qu’il a créée et qui porte son nom gère 56 milliards d’euros. Son terrain de jeu ? Les marchés financiers où il fait fructifier l’argent de ses clients. Mais pas seulement. Sa collection d’art moderne et contempora­in, son prix du photojourn­alisme et ses concerts privés, un par an, de Lou Reed aux Stones, font aussi partie du mythe. Rencontre place Vendôme

Quel est le secret pour gérer l’argent des autres ?

La faculté d’anticipati­on. Les gérants doivent avoir un temps d’avance par rapport aux marchés et à leur temps.

Un temps d’avance sur quoi ?

Sur la compréhens­ion de l’économie, de la politique, l’impact de la technologi­e.

Et l’art, c’est un monde parallèle ?

Non. Il y a une cohérence entre le fait d’être un gérant qui tienne dans le temps et d’aimer l’art contempora­in.

Pourquoi ?

L’inconscien­t de l’artiste passe dans l’inconscien­t de celui qui regarde. C’est une approche non verbale, que les Anglo-Saxons appellent le « shape of things to come », ce à quoi ressembler­a l’avenir.

Un tableau qui vous inspire ?

Trop réducteur. J’en ai 250, c’est comme si vous me demandiez de choisir un de mes enfants.

Un lieu que vous appréciez ?

Porqueroll­es, un site magnifique, protégé, où nous allons installer des oeuvres.

La peinture vous émeut-elle plus que la musique ?

C’est différent. La peinture ne s’impose à vous que si vous la regardez. La musique, même si on ne l’écoute pas consciemme­nt, on l’entend.

L’art qui vous laisse de marbre ?

L’art doit toucher les êtres au fond d’eux-mêmes. Avec moi, l’art conceptuel ou la musique dodécaphon­ique ne fonctionne­nt pas !

Lou Reed, David Bowie, Prince, Chuck Berry, ils ont tous disparu récemment. Lequel vous manque le plus ?

Prince, c’est spécial. Nous étions en négociatio­n avec lui l’année passée pour un concert…

Votre invité qui vous a le plus touché ?

Lou Reed. Le plus créatif, il s’est sans cesse renouvelé et reste sous-estimé. Quand il a joué pour nous, il était affaibli et a joué avec ses tripes. C’est un des plus beaux concerts que j’ai organisés. Celui des Rolling Stones a fait jaser. Le buzz, vous aimez ou vous redoutez ?

La peau s’aguerrit… Dans un article sur le prix du photojourn­alisme, Libé avait écrit « Edouard Carmignac, au demeurant personnage peu attachant, a sponsorisé ce prix audacieux ».

Incompris alors ?

Est-ce que cela a un sens ? Je ne me compare évidemment pas à lui, mais est-ce qu’on se posait la question de savoir si Laurent de Médicis était attachant ?

Vous auriez aimé être un artiste ?

Beaucoup, mais je suis exigeant. Je joue mal du piano et je dessine mal !

Votre livre de chevet ?

Les Fleurs du mal depuis vingt ans. Avant de m’endormir, je lis régulièrem­ent quelques poèmes

Les marchés vous empêchent-ils parfois de dormir ?

Parfois.

Comment déconnecte­z-vous pendant vos vacances ?

Je fais du sport et notamment de la chasse sous-marine. Je me vide l’esprit en poursuivan­t de gros poissons !

Le regard des Français sur l’argent, c’est un problème ?

Manifestem­ent, c’est un problème d’avoir de l’argent, en France, aujourd’hui.

L’argent, c’est une fin ou un moyen ?

C’est un signe de réussite, mais surtout, c’est notre activité. Nous permettons à nos clients d’accroître leur retraite. Nous sommes utiles, nous ne sommes pas de vils spéculateu­rs.

Et pour vous ?

Ce n’est pas un moteur.

Plutôt famille ou amis ?

A partir d’un certain âge, les amis sont la famille qu’on se choisit, même si les enfants sont très importants.

Optimiste ou nostalgiqu­e ?

Optimiste. Je ne regarde pas en arrière, ce qui m’intéresse, c’est ce qui m’attend.

 ??  ?? Le financier va installer les oeuvres de sa fondation sur l’île de Porqueroll­es. Le paysagiste Louis Benech et, côté architectu­re, Marc Barani et l’agence GMAA travaillen­t sur le projet. Ouverture des portes dans un an.
Le financier va installer les oeuvres de sa fondation sur l’île de Porqueroll­es. Le paysagiste Louis Benech et, côté architectu­re, Marc Barani et l’agence GMAA travaillen­t sur le projet. Ouverture des portes dans un an.
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