POPULISME DE DROITE CONTRE POPULISME DE GAUCHE
Les qualifiés pour le second tour sont… Le Pen et Mélenchon. Ce scénario vertigineux et encore impensable il y a quelques semaines est devenu, à en croire les instituts de sondages, possible. Quel que soit le résultat de cette présidentielle, celle-ci restera marquée par la montée des « populismes ». Deux essais éclairants, Le Moment populiste, d’Alain de Benoist, et Construire un peuple, de Chantal Mouffe et Iñigo Errejón (cofondateur et stratège de Podemos), permettent de comprendre ce phénomène qui transforme le paysage politique en Europe comme aux Etats-Unis. Alain de Benoist, théoricien de la Nouvelle Droite et Chantal Mouffe, philosophe inspiratrice de Podemos et de Mélenchon, se situent aux deux extrémités du spectre politique. Les deux penseurs partagent cependant en partie la même analyse sur la question du « populisme ». Tous deux refusent d’assimiler cette nouvelle forme politique à l’« extrême droite » ou au « fascisme ». Selon eux, le moment « populiste » ne sonne pas le retour des années 30, mais traduit une demande profonde de démocratie liée à l’avènement de ce que Mouffe appelle la « post-politique ». Pour une partie de l’élite actuelle, la chute du mur de Berlin devait déboucher sur la fin des idéologies et le triomphe du consensus techno-libéral. Macron est aujourd’hui le parfait candidat de ce consensus. Reste que sur fond de « mondialisation malheureuse », les catégories populaires se révoltent contre cette pensée unique qui fait du marché et de la technique un horizon indépassable. En France, l’événement fondateur de la poussée populiste a été la victoire du « non » au référendum sur le projet de traité constitutionnel européen. « Depuis 2005, le même scénario se répète : la droite dit de voter oui, la gauche dit de voter oui, tous les grands médias disent de voter oui, – et le peuple dit non », note Alain de Benoist.
Populisme de gauche et populisme de droite se distinguent cependant sur un point : leur définition du peuple. Pour Mouffe, ce dernier est une construction politique abstraite. Les questions de l’immigration et de l’insécurité culturelle sont les grandes absentes de son analyse. Pour Alain de Benoist, il s’enracine au contraire dans des moeurs, des traditions, un héritage culturel commun. Cette différence est profonde. En cas de présence de l’un ou l’autre candidat au second tour, elle pourrait contrarier les rêves de coalition de la France du non. ALEXANDRE DEVECCHIO Construire un peuple, de Chantal Mouffe et Iñigo Errejón, Editions du Cerf, 241 p., 19 €. Le Moment populiste. Droite-gauche c’est fini ! d’Alain de Benoist, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 335 p., 23,90 €.
Le moment populiste ne sonne pas le retour des années 30