ONT-ILS PERDU LE SENS COMMUN ?
François Fillon a fait un joli coup politique la semaine dernière. Il a laissé entendre malicieusement qu’il n’était pas exclu que l’association Sens commun soit représentée dans le futur gouvernement en cas d’accession à l’Elysée. Evidemment, le ban et l’arrière-ban des bonnes consciences, à la recherche de nouveaux diables, sont tombés dans le piège grossier du candidat des Républicains. Haro sur l’émanation politique de la Manif pour Tous, dépeinte en secte d’ennemis de la République. Qu’on soit d’accord ou pas avec les idées conservatrices de Sens commun, ce procès en anti-républicanisme est ridicule. La République préexistait à la loi Taubira ; elle préexistait aussi à Mai 68. On pourrait même, à l’inverse, considérer que l’association est timidement récompensée de ses efforts par le candidat Fillon. Alors qu’elle a joué un rôle non négligeable dans sa victoire à la primaire, qu’elle lui a sans doute sauvé la mise en organisant le rassemblement du Trocadéro, elle ne se voit proposer que cinq sièges pour les législatives pendant que l’UDI – qui n’était pas loin de frapper à la porte d’Emmanuel Macron – en a obtenu près d’une centaine. Au rassemblement de la Porte de Versailles, Madeleine de Jessey, la représentante de Sens commun, a été l’une des premières à s’exprimer, alors que Luc Chatel et François Baroin sont intervenus en seigneurs juste avant le candidat, le premier cité se payant le luxe de prononcer les mots suivants : « Notre unique adversaire dans cette campagne porte un nom, c’est le conservatisme. » Mais plus c’est gros, mieux ça passe : on présente François Fillon comme l’otage de Sens commun et on lui rend service en lui offrant sur un plateau le vote conservateur que Marine Le Pen néglige en marginalisant maladroitement sa nièce. Les vigilants crient de plus belle et François Fillon en profite pour dénoncer « la police de la pensée » que
« les Français ne supportent plus ». S’il devait accrocher ce second tour puis être élu, ces belles âmes pourront alors se mordre les doigts.
DAVID DESGOUILLES CHRONIQUEUR AU FIGARO VOX