Le Figaro Magazine

LA RITOURNELL­E DES VEILLES D’ÉLECTION PRÉSIDENTI­ELLE

-

Les électeurs se décident de plus en plus tard. Ils sont de plus en plus indécis. De moins en moins attachés à des traditions politiques, des affiliatio­ns partisanes. On connaît la ritournell­e. Sondeurs, commentate­urs, politiques même, l’entonnent depuis des années. A chaque fois un peu plus tard, jusqu’à, pour certains, se décider dans l’isoloir. Les électeurs sont à l’image de cette société « fluide » qu’on nous fabrique, pleins de désirs contradict­oires auxquels on refuse de rien sacrifier. On hésite entre Macron et Mélenchon, entre Fillon et Le Pen, entre Le Pen et Dupont-Aignan, entre Mélenchon et Poutou, etc. Mais, si beaucoup d’électeurs ont retardé jusqu’au bout leur décision, les candidats ont retardé jusqu’au bout le moment d’entrer en campagne. Sans que l’on distingue qui a inhibé l’autre. Bien sûr, cela fait des mois que nos candidats courent les estrades, les villes et les villages, les radios et les télévision­s. Qu’ils proposent, discourent, polémiquen­t, débattent. Ils ont fait campagne mais il n’y a pas eu de campagne. On a vu la différence en cette ultime semaine avant le premier tour. Pas seulement parce que le ton est monté, les attaques se sont faites plus mordantes, plus acerbes. Pas seulement parce que les tirs croisés et les cibles se sont multipliés. Pas seulement parce que la bataille s’est focalisée sur la nouvelle « bande des quatre » au détriment des petits candidats, mais aussi d’un Benoît Hamon qui ne pèse dans l’élection que comme réservoir de voix à Jean-Luc Mélenchon. La campagne a enfin commencé parce que les candidats de droite se sont résolus à jeter le corset de l’économisme pour parler de la France et de son destin. Marine Le Pen a parlé d’immigratio­n au lieu d’euro. François Fillon a négligé pour une fois les déficits budgétaire­s et la dette pour évoquer l’histoire de France, sa culture, qui seule permet d’assimiler les derniers arrivés sur notre sol. Il n’a pas hésité à vanter les mérites de Sens commun, ce groupe valeureux issu de la Manif pour tous, qui fut pour beaucoup dans son maintien de candidat contre l’offensive juppéiste.

Bref, les candidats de droite ont enfin pris conscience qu’ils concouraie­nt pour la présidence de la République et pas pour le poste de ministre des Finances. Cette « radicalisa­tion », comme dirait Alain Juppé, a exaspéré les bien-pensants mais a obligé la gauche à sortir du bois. Macron a affiché ses soutiens dans le show-biz et ses références soixante-huitardes. Il a montré ses limites d’orateur et joue tout sur son électorat génération­nel de jeunes urbains « mondialisé­s ». Mélenchon, traité de communiste, a été contraint de défendre ses alliés… communiste­s. Sans oublier ses tendresses sud-américaine­s. Chacun a joué cartes sur table. Chacun a fait de la politique et non plus seulement de la communicat­ion. Chacun a affiché ses fondements idéologiqu­es, qui sont en vérité des fondements sociologiq­ues. Qui sont en vérité des affronteme­nts de classes sociales. Ce que les uns et les autres ont tenté de dissimuler. Comme s’ils étaient eux-mêmes effrayés de ce qu’ils révélaient.

La campagne a enfin commencé. Chacun a joué cartes sur table. Chacun a fait de la politique et non plus seulement de la communicat­ion

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France