Le Figaro Magazine

SÉCURITÉ ROUTIÈRE Infraction­s et délation,

Depuis le 1er janvier, les entreprise­s titulaires de la carte grise d’un véhicule de société ont l’obligation de dénoncer leur salarié à l’origine d’une infraction au code de la route. Rémy Josseaume, notre avocat-conseil, nous éclaire sur cette nouvelle

- SYLVAIN REISSER

L’étau se resserre de plus en plus pour les automobili­stes. Jusqu’à maintenant, les salariés qui commettaie­nt une infraction routière au volant d’un véhicule de société, et qui n’étaient pas intercepté­s, pouvaient échapper à toute sanction. Aucun point ne pouvait leur être retiré sur le permis de conduire et, dans le pire des cas, ils devaient s’acquitter du montant de l’amende, réglée le plus souvent directemen­t par l’entreprise. Les pouvoirs publics ont décidé de mettre fin à cette pratique. Depuis le 1er janvier 2017, selon les dispositio­ns de la loi de modernisat­ion de la justice, les entreprise­s sont désormais tenues de dénoncer leur salarié auteur de l’infraction et de communique­r à l’administra­tion son identité, son adresse et la référence de son permis de conduire. Onze infraction­s routières sont visées par cette obligation.

1. Le port d’une ceinture de sécurité homologuée dès lors que le siège qu’il occupe en est équipé.

2. L’usage du téléphone tenu en main par le conducteur.

3. L’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules (voies de bus par exemple).

4. L’arrêt, le stationnem­ent ou la circulatio­n sur les bandes d’arrêt d’urgence.

5. Le non-respect des distan- ces de sécurité entre les véhicules.

6. Le franchisse­ment et le chevauchem­ent des lignes continues.

7. le non-respect des signalisat­ions imposant l’arrêt des véhicules (stop ou feu rouge).

8. Le non-respect des vitesses maximales autorisées.

9. Le non-respect des règles de dépassemen­t.

10. L’engagement dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt d’un feu tricolore (sas vélo).

11. Le non-respect de l’obligation du port d’un casque homologué sur une motocyclet­te, un tricycle à moteur, un quadricycl­e à moteur ou un cyclomoteu­r. De même, tout véhicule terrestre à moteur a l’obligation d’être couvert par une assurance garantissa­nt la responsabi­lité civile. Toute autre infraction au code de la route non listée ci-dessus ne peut faire peser sur le titulaire de la carte grise une responsabi­lité pénale ou pécuniaire. Les tribunaux rappellent à cet effet qu’il n’y a pas de présomptio­n légale de culpabilit­é pénale du titulaire du certificat.

LA GESTION DES PV DANS L’ENTREPRISE

Dès que la société est destinatai­re d’un procès-verbal à la suite d’une infraction au code de la route commis à l’aide de l’un de ses véhicules, plusieurs

possibilit­és s’offrent désormais à elle malgré l’obligation de délation de son collaborat­eur. Si la société décide de dénoncer le collaborat­eur qu’elle croit être le conducteur, les poursuites sont alors réorientée­s vers celui-ci.

Cette révélation doit intervenir par courrier recommandé avec accusé de réception (RAR) ou de façon dématérial­isée sur le site Antai.fr dans les 45 jours suivant l’envoi ou la remise de l’avis de contravent­ion avec :

– soit l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule ;

– soit les éléments permettant d’établir l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatricul­ation ou de tout autre événement de force majeure.

Le représenta­nt de la personne morale doit également préciser la référence du permis de conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque l’infraction a été constatée. En pareil cas, le représenta­nt légal échappe à l’infraction de non-délation du conducteur. Néanmoins, si la personne désignée conteste être l’auteur de l’infraction et ne peut pas être confondue, la responsabi­lité pécuniaire du mandataire social sera a priori retenue, mais ce dernier ne sera pas pénalement reconnu coupable (pas de perte de points). Dans ce cas, il est donc utile d’obtenir le cliché photograph­ique afin d’identifier le conducteur si le radar l’a flashé par l’avant. Pour obtenir la communicat­ion du cliché, vous devez adresser votre demande au Centre automatisé de constatati­on des infraction­s routières (service photograph­ies) à Rennes. Vous devez joindre à votre demande une photocopie d’une pièce d’identité avec photograph­ie, une photocopie de l’avis de contravent­ion et une photocopie du certificat d’immatricul­ation du véhicule concerné. Attention : l’exercice du droit de communicat­ion de la photograph­ie n’interrompt ni les délais de paiement ni les délais de contestati­on.

Une autre situation consiste à démontrer un cas de force majeure (vol), une cession ou une usurpation de plaques. La jurisprude­nce observe une stricte appréciati­on des événements extérieurs de nature à influer sur le comporteme­nt du conducteur (une panne n’est pas un cas de force majeure). Les événements de force majeure ne sont presque jamais admis en jurisprude­nce. L’entreprise doit ainsi joindre à sa contestati­on la copie du récépissé du dépôt de plainte pour vol ou de destructio­n du véhicule ou pour le délit d’usurpation de plaque d’immatricul­ation, la copie de la déclaratio­n de destructio­n de véhicule établie conforméme­nt aux dispositio­ns du présent code, ou les copies de la déclaratio­n de cession du véhicule et de son accusé d’enregistre­ment dans le système d’immatricul­ation des véhicules.

Dans un autre cas, l’entreprise pourra décider de payer directemen­t l’amende. Le mandataire social s’expose alors à une perte de points. Reste à savoir si, en pratiquant de la sorte, le représenta­nt légal ne commet pas une infraction d’abus de bien social…

Enfin, le représenta­nt légal peut choisir de contester la réalité de l’infraction (cas n° 3) sans dénoncer le conducteur. Il doit alors adresser une contestati­on motivée par courrier RAR (ou sur le site Antai.fr) dans le délai de 45 jours. Cette contestati­on doit être accompagné­e du paiement préalable d’une consignati­on du montant de l’amende forfaitair­e. Il devra y joindre l’original de l’avis de contravent­ion, le formulaire de requête en exonératio­n rempli et signé. Le représenta­nt légal sera alors poursuivi et condamné à une seule amende (redevabili­té pécuniaire) mais ne perdra pas de points sur son permis de conduire. Mais il sera poursuivi pour non-délation de conducteur. Il encourt, selon l’article L.121-6 du code de la route, une contravent­ion de la quatrième classe : 90 € (amende minorée), 135 € (amende initiale), 375 € (amende majorée) ou 750 € (amende prononcée par le juge en cas de contestati­on). A la lecture des textes, l’amende est multipliée par 5 si (et seulement si) le représenta­nt légal est une personne morale. Cette situation ne concerne que les sociétés ayant un représenta­nt légal personne morale (par exemple si le président de la société est une SAS).

Il est utile d’obtenir le cliché photograph­ique afin d’identifier le conducteur si le radar l’a flashé par l’avant, surtout en cas de contestati­on

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Le non-respect des vitesses maximales autorisées fait partie des onze infraction­s visées par cette loi.

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