Le Figaro Magazine

LE TEMPS ÉPROUVÉ

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Tiens, un romantique… Les romantique­s étant devenus aussi rares que les fossiles de bivalves sur les plages normandes, forcément, lorsqu’on en trouve un, on est ému. Dès les sept premières pages de son livre, Olivier Schefer cite en vrac Baudelaire, Nerval, Musset, Novalis et Caspar David Friedrich. Le tout, suivi de l’inévitable voyage hivernal à Venise en compagnie d’une femme nommée Lou. Le ton est donné. Tiendrions-nous ici un bon gros paquet de clichés humides et les kleenex allant avec ? Non. Car Schefer est un authentiqu­e écrivain et peu à peu, on perçoit la finesse de son propos. Celui d’un fils, adulte, qui vient de perdre sa mère et qui voyage dans le temps, décidant « d’aller en soi pour se rendre ailleurs ». Alors s’égrènent quelques souvenirs exprimés avec autant de légèreté que de pudeur. Des pages entières - superbes - consacrées aux voyages de nuit dans les wagons-lits d’une époque révolue. Que sont devenues ces photograph­ies en noir et blanc qui étaient sous les paniers à valises ? Et qui se souvient des Cinoches, cette salle de cinéma à l’intérieur de laquelle, tout en regardant un Kurosawa, on pouvait entendre les autobus amorcer le virage de la rue de Condé vers la rue Saint-Sulpice ? Et l’encre de Chine de marque Pelikan que l’auteur a renversée sur un livre de Claudel que lui avait offert sa mère, créant la tache d’encre donnant son titre à l’ouvrage, qui ne cesse de s’étaler avec les années ? Qui se souvient du moment précis où un enfant devient homme ? Personne, mais les livres sont là pour faire croire le contraire.

Une tache d’encre, d’Olivier Schefer, Arléa, 95 p., 17 €.

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