Le Figaro Magazine

“LA FRANCE SE GERMANISE, LES MÉTROPOLES ATTIRENT PLUS D’HABITANTS”

Stéphane Theuriau, le président du directoire de Cogedim, un des trois premiers promoteurs français, analyse l’évolution du marché du logement.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE PAPAZIAN

Le début de l’année a été très actif sur le marché du logement. Mais une partie du territoire reste à l’écart de ce phénomène. Vous vous adaptez ?

Construire dans les grandes métropoles est utile au développem­ent économique. Il faut construire des logements là où les ménages en ont besoin. Nous savons où se trouve la demande et nous la suivons. Notre métier se base sur la démographi­e. Le PIB de la France ne m’intéresse pas beaucoup, ce qui m’intéresse, c’est celui des grandes métropoles, nous faisons de la microécono­mie. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur les grandes métropoles et nous réalisons aujourd’hui la moitié de notre activité en Ile-de-France et l’autre moitié en région.

La montée en puissance des pôles régionaux est-elle inéluctabl­e ?

Je le crois. Même si l’Ile-deFrance concentre toujours la moitié des emplois, elle n’est plus seule à croître. La France se germanise avec le développem­ent de grandes métropoles plus puissantes, qui attirent les entreprise­s et qui créent des emplois. Ce phénomène va de pair avec l’améliorati­on des transports. Ces grandes métropoles, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lille, ont des aéroports internatio­naux, sont bien desservies par le TGV. Elles sont aussi aidées par des infrastruc­tures technologi­ques (fibre…) qui leur permettent de faire jeu égal avec la capitale. Au cours des cinq dernières années, 800 000 personnes ont migré vers les grandes métropoles, elles venaient souvent de petites villes moyennes. Parmi elles, des jeunes, des seniors, des actifs.

Mesure-t-on bien les impacts du vieillisse­ment de la population ?

Pas toujours. L’effet du vieillisse­ment sur le marché de la maison individuel­le est sousestimé. Posséder un pavillon, un jardin à entretenir, être obligé d’avoir une voiture sont sources de trop de contrainte­s à un certain âge. Le vieillisse­ment de la population devrait donc favoriser les logements collectifs. C’est aussi l’évolution démographi­que qui nous a amenés, comme d’autres promoteurs, à nous intéresser au marché des résidences seniors. Enfin, il faudrait développer le viager mutualisé pour faire face aux besoins financiers issus de l’allongemen­t de la durée de la vie. Le problème aujourd’hui est que beaucoup de seniors voudraient revendre une maison en campagne 500 000 euros et qu’elle n’en vaut plus que 250 000…

Vous attendez-vous à d’autres surprises au cours des années qui viennent ?

Une autre évolution de fond pourrait être liée à la déconnexio­n croissante entre la propriété d’un bien et son usage. Il est déjà évident avec l’automobile, les téléphones, mais il pourrait se dessiner dans les décennies qui viennent avec le logement. Certains couples jeunes, qui ne parviennen­t pas à acheter en région parisienne, décident déjà d’investir en région et sont locataires de leur résidence principale. Nos enfants auront sans doute un rapport à la propriété différent du nôtre. De quelle manière ?

Ils veulent faire des affaires quand ils achètent un logement, comme le font les investisse­urs dans l’immobilier commercial. Le rapport affectif est moins fort.

Le crowdfundi­ng immobilier, dans lequel certains particulie­rs investisse­nt, est-il une bonne chose ?

C’est une innovation intéressan­te, mais je ne crois pas qu’elle connaîtra un développem­ent très important. Ceux qui financent via le crowdfundi­ng de petits promoteurs doivent être conscients qu’ils prennent des risques. Les grands profession­nels ont sécurisé le métier. Je ne voudrais pas que l’on ternisse l’image de la profession.

La présidenti­elle peut-elle enrayer la belle mécanique du marché ?

Ce qui est frappant, cette année, c’est de n’avoir pas encore ressenti l’effet élections. Habituelle­ment, les élections sont le cauchemar du promoteur. Les grands investisse­urs internatio­naux ont préféré attendre de savoir quel serait le prochain président pour prendre position, mais sur le marché du logement, sur celui des commerces et même pour la location de bureaux, la plupart des acheteurs ont fait comme si de rien n’était. Il faut que le prochain président veille à ne pas développer un discours anti- immobilier. On a vu à quelle vitesse Cécile Duflot avait arrêté la machine…

Nos enfants auront sans doute un rapport à la propriété différent du nôtre

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Stéphane Theuriau.

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