L’éditorial de Guillaume Roquette
Bien sûr, la colère est toujours là. Contre l’élimination de la droite dans une élection imperdable. Contre ce hold-up politique qui propulse vers l’Elysée l’héritier de François Hollande. Contre les médias et les juges, qui ont manipulé cette campagne à leur guise. Contre François Fillon aussi, dont on ne soupçonnait pas les faiblesses. Mais le calendrier électoral ignore avec insolence les états d’âme. Dans à peine plus d’une semaine, il faudra à nouveau choisir, en pesant gravement toutes les conséquences de son vote. Parce que, n’en déplaise à Emmanuel Macron, déjà occupé à célébrer son succès annoncé, le pays ne va pas bien. La moitié des Français qui se sont exprimés dimanche dernier ont voulu faire sauter la baraque en votant pour des candidats hors système. Comme s’ils n’avaient plus rien à perdre. Comme si aucune réforme ne pouvait plus éviter une révolution.
Nous ne sortirons pas de cette dépression collective sans un redémarrage de l’économie. La baisse du chômage, l’arrêt de l’appauvrissement du pays ne sont évidemment pas le seul horizon de nos concitoyens, mais ce redressement est une condition nécessaire pour « continuer la France », selon l’heureuse expression de Malika Sorel. François Fillon, par la vigueur de son programme, était le mieux à même d’y parvenir mais il a été éliminé. Le choix, dès lors, n’est plus qu’entre le tiède Emmanuel Macron et la dangereuse Marine Le Pen. Une victoire du FN à la présidentielle provoquerait immédiatement des désordres monétaires et financiers dont personne ne peut mesurer l’ampleur. Le risque est trop grand : on ne construit pas une alternance en misant sur le chaos. Il ne s’agit pas de se rallier à Macron mais d’éviter le pire.
La droite a perdu mais tout n’est pas perdu pour elle. Après la présidentielle viendront les législatives. Tardivement adoubés, souvent sans expérience électorale ni ancrage local, les candidats investis par En Marche ! seront loin d’avoir partie gagnée. Les Républicains, s’ils ne se désunissent pas, peuvent même espérer, à défaut de majorité, devenir le premier groupe de l’Assemblée. Et tant mieux si cette position permet de faire passer quelques réformes de bon sens, par exemple un authentique assouplissement du droit du travail au lieu de cette modernisation de pacotille qu’est la loi El Khomri. Mais qu’on ne s’y trompe pas : la vocation des Républicains n’est pas de s’enrôler derrière Emmanuel Macron. Pendant toute sa campagne, celui-ci a fait rêver les Français avec ses discours lénifiants et son optimisme surjoué, mais la réalité n’a pas disparu pour autant. Qu’il s’agisse de la famille ou de l’islamisme, de la pression migratoire ou de notre culture nationale, le programme d’En Marche ! n’est pas celui de la droite, ou alors c’est qu’il n’y a plus de droite. Celle-ci a déjà trouvé le moyen d’être éliminée dès le premier tour dimanche dernier : tâchons d’éviter un sabordage définitif.