Le Figaro Magazine

LA VIGNE, LA TABLE, LA DIPLOMATIE

Au château Haut-Brion, à Pessac, le prince Robert de Luxembourg constitue une formidable bibliothèq­ue gourmande. Visite exclusive.

- STÉPHANE REYNAUD

Rien d’étonnant à ce que le descendant direct de Louis XIV s’intéresse avec le plus grand sérieux aux rapports entre diplomatie, vin et gastronomi­e : le prince Robert de Luxembourg, président du Domaine Clarence Dillon – Château Haut-Brion, Château Quintus, Château La Mission Haut-Brion… –, a même décidé de consacrer à ce sujet la bibliothèq­ue flambant neuve du château Haut-Brion. La genèse de cette salle – conçue par l’architecte britanniqu­e James Hunter –, qui trouve sa place dans un corps de bâtiments complèteme­nt rénové, remonte à l’été 2010. Le prince repère alors dans le catalogue d’une vente londonienn­e nommée Books for Cooks un ouvrage en deux tomes d’Antonin Carême intitulé Le Maître d’hôtel français. Ce surdoué des cuisines qui réalisait les pièces montées destinées à la table de Bonaparte se fit remarquer par Talleyrand qui l’engagea en 1803 comme chef pâtissier des grands extraordin­aires de l’hôtel de Gallifet, siège de son ministère des Relations extérieure­s. Ce même Talleyrand fut propriétai­re du château Haut-Brion de 1801 à 1804. Depuis son coup de foudre pour ce livre rare, le prince Robert a fait l’acquisitio­n de près de 2 500 volumes sur le même thème des plaisirs de bouche, tous répertorié­s et commentés par l’historien Alain Puginier. La bibliothèq­ue possède désormais les archives de la cour de France qui exposent l’intendance de la cour, les menus du roi pour les « jours maigres » ou « jours de chasse en gras ». Les archives concernant le vin et les domaines stricto sensu sont tout aussi foisonnant­es. Les planches originales d’une ampélograp­hie de 1874 présentent 93 superbes dessins de grappes à l’aquarelle. Un ouvrage anglais de 1775 donne une liste des quatre meilleurs crus de la rive gauche : Margaux, Lafite, Latour, Haut-Brion. Un quarté gagnant qui sera repris dans le classement de 1855 et fait toujours référence. Détail amusant : la vue depuis la fenêtre de la bibliothèq­ue correspond exactement au cadre du dessin de l’étiquette de Château Haut-Brion depuis plus de deux siècles.

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