Le Figaro Magazine

QUAND LE DRIAN S’INSTALLE CHEZ VERGENNES

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Le Drian est passé du bureau de Clemenceau et de De Gaulle à celui de Vergennes. La symbolique historique mérite certes d’être tempérée, il n’empêche, il y a des lignes de force : la guerre, c’est de la politique étrangère, et celle-ci n’est autre que « la colonne vertébrale d’un pays », selon l’ancien ambassadeu­r Bernard de Montferran­d, qui consacre à Vergennes une belle biographie (voir Le Figaro Magazine du 12 mai) dont se dégage une leçon : on peut souhaiter, imaginer et même entreprend­re la plus active des diplomatie­s, elle ne pourra tenir longtemps sans un souverain fort et des finances publiques solides.

Si Vergennes (1719-1787) a laissé une telle réputation à son « bureau », ce n’est pas parce qu’il s’agissait d’une table Louis XV signée Cressent, mais parce qu’il fut l’un des tout premiers ministres de Louis XVI et un grand diplomate. Kissinger l’avait négligé dans son histoire de la diplomatie ; il a reconnu avoir eu tort. Pour autant, Vergennes n’a pu épargner à la monarchie son destin fatal. Tout simplement parce qu’il y a des limites à l’indécision du monarque, à « l’incapacité des hommes d’Etat à faire les réformes nécessaire­s ». Même s’il a su rechercher « l’équilibre des forces » au traité de Versailles, son grand oeuvre, et éviter à la France « des guerres pour des intérêts qui n’étaient pas les nôtres », Vergennes n’était ni le maître des réformes ni celui des finances. Et c’est en définitive la France, dit Montferran­d, qui, « de reculade en reculade », a glissé vers la faillite et l’Ancien Régime, vers son naufrage. Depuis des années, la France fait la guerre sur différents théâtres sans avoir eu de politique étrangère explicite, faute de s’en être donné les moyens. Les affaires extérieure­s, depuis de Gaulle, sont toujours du domaine du chef de l’Etat. Il ne peut exister de débat entre l’Elysée et le Quai d’Orsay. C’est pour cette raison de confiance qu’Emmanuel Macron a nommé Jean-Yves Le Drian au ministère des Affaires étrangères, tout en lui désignant un diplomate comme directeur de cabinet. Car c’est bien de l’Elysée que sera piloté le redresseme­nt des finances publiques. Le Vergennes de Montferran­d leur montrera en quoi c’est un préalable en même temps qu’un impératif. Il y a des faits « qui sont plus têtus que jamais ».

La guerre, c’est de la politique étrangère, et celle-ci n’est autre que la colonne vertébrale d’un pays

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