CRACHE TON VENIN
FRED VARGAS
L’araignée recluse vit en solitaire dans les coins sombres. Si elle se sent menacée, elle peut piquer, et son venin fait alors des ravages, provoquant de graves nécroses et infections. Contrairement à l’espèce américaine, la piqûre de la recluse française, dite « araignée violoniste », n’est pas mortelle. Ce qui n’empêche pas trois vieillards de la région nîmoise de succomber quasi simultanément à ses assauts. Le brumeux commissaire Adamsberg trouve ces morts suspectes, et pencherait plutôt pour des assassinats particulièrement sophistiqués. L’enquête va alors mettre au jour d’effroyables tragédies… Dans le petit monde pourtant de plus en plus riche et varié de la littérature policière, Fred Vargas reste un cas à part, comme le prouve une fois de plus ce fascinant et très atypique thriller. A partir d’une intrigue au départ aussi fine qu’une patte d’arachnide anorexique, la romancière française entraîne irrésistiblement son lecteur dans un univers complètement déboussolant, magistralement décalé, peuplé de personnages attachants (à l’image de son héros, tout en intuition et finesse) et joyeusement émaillé de références érudites, héritées de sa formation d’archéozoologue médiéviste. Dans un monde poétique, où les méchants sont qualifiés de blattes, et où on ne fait plus de photocopies depuis que le chat dort sur la machine. Dans une toile d’araignée ouateuse, enfin, tissée avec soin, et dont on n’a surtout pas envie de se dépêtrer avant que l’énigme, sur un fil, ne soit totalement élucidée.
Quand sort la recluse, Flammarion, 480 p., 21 €.