Le Figaro Magazine

SÉJOUR EN TENSION COMPLÈTE

FRANZ BARTELT

- PH. B.

Ma méthode, avait expliqué le policier, c’est de ne pas avoir de méthode. Ce que je veux, c’est de mettre ce village sens dessus dessous. Que personne n’y comprenne plus rien. Qu’on ne sache plus qui cherche qui, qui a tué, qui n’a pas tué. Je mets tout le monde dans le même sac. Je crée la panique. J’installe la folie dans le pays. En trois jours, j’ai réussi à semer la pagaille dans les esprits. Ils me prennent pour un dingue. Mais quelque chose en eux les somme de se méfier de moi. » L’inspecteur Vertigo Kulbertus a une manière de travailler peu orthodoxe, pour ne pas dire olé olé. Et ça tombe plutôt bien, car il s’en passe des vertes et des pas mûres dans le petit village de Reugny, non loin de la frontière franco-belge, au coeur des Ardennes. Un douanier du coin, mauvais comme la teigne, dressant « avec une maniaqueri­e d’entomologi­ste » des fiches sur les sales manies et les petits secrets de tous les habitants du bourg, a été retrouvé dans les bois, la tête sauvagemen­t arrachée, non loin de sa maison en cendres. Puis une jeune fille en mobylette a disparu, avant que l’idiot du village se fasse à son tour zigouiller, laissant Reugny et son Hôtel du Grand Cerf dans un profond émoi. Cet Hôtel du Grand Cerf où, au même moment, un journalist­e venu de la ville enquête sur la noyade suspecte dans sa baignoire, en 1960, d’une star oubliée du cinéma… Comme souvent avec l’Ardennais Franz Bartelt, on ne sait pas sur quel pied danser, tant l’auteur des Bottes rouges ou du Jardin du bossu passe du subtil à l’énorme, de la farce au drame, et multiplie les clins d’oeil divers et variés. Cet étonnant roman noir, déconcerta­nt et jubilatoir­e, est sans doute à l’image de son héros Kulbertus, tour à tour sorte de Maigret obèse, de Bérurier tonitruant, engloutiss­ant des plâtrées de frites et de charcutail­le en « séchant » des litres de bière, ou d’Hercule Poirot égrillard, résolvant en fin de compte un whodunit en apparence excentriqu­e, mais somme toute très classique, qu’Agatha Christie n’aurait sans doute pas renié. Hôtel du Grand Cerf, Seuil, 352 p., 20 €.

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