“UN FORMIDABLE BOOSTER DE CROISSANCE”
Le Figaro Magazine – Que pensez-vous du projet d’Emmanuel Macron d’instaurer une flat tax de 30 % sur les revenus du capital ? Nicolas Bouzou – C’est une excellente idée. La fiscalité du capital est extrêmement compliquée en France, avec des systèmes en cascade d’impôts et de prélèvements sociaux qui pénalisent les rendements. Elle est par ailleurs très élevée : on parvient vite à des taux marginaux de l’ordre de 50 %. Il est impératif d’orienter plus efficacement l’épargne vers l’investissement. L’économie française souffre d’un manque flagrant de capitaux, l’épargne ayant tendance à se diriger vers les produits défiscalisés, comme le Livret A ou l’assurance-vie, plutôt que vers les entreprises. Au bout du compte, c’est la croissance qui en pâtit !
Faudrait-il aller plus loin, avec une flat tax applicable à l’ensemble des revenus ? La flat tax, qui repose sur une base fiscale large et des taux réduits, est un formidable booster de croissance. Mais la demande d’équité restant forte dans les démocraties, il est politiquement difficile de passer d’un système aussi progressif que le système français au mécanisme de la flat tax. Il est préférable d’envisager une voie médiane, par étapes, politiquement plus acceptable. C’est pourquoi je suggère une flat tax à plusieurs étages avec un taux moyen de 1 ou 2 % pour les revenus en deçà de 800 €, de 8 % pour ceux entre 800 et 5 000 €, et de 25 % au-delà. A l’horizon de cinq ou dix ans, cette flat tax pourra être couplée à une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
Avec ce système, tout le monde devra donc payer un impôt ? Renforcer l’acceptabilité de l’impôt est une priorité : il faut absolument que tous les ménages le payent, quitte à ce que les taux soient très faibles pour les moins aisés. C’est l’une des raisons pour lesquelles je n’approuve pas le projet d’Emmanuel Macron d’exonérer de taxe d’habitation 80 % des ménages. La citoyenneté, c’est le fait de participer. A défaut, on ne fait qu’accentuer la fracture fiscale déjà très forte en France entre ceux qui payent certains impôts et ceux qui ne les payent pas. Cela pose un vrai problème démocratique !
La flat tax à étages que vous préconisez fera-t-elle baisser les impôts des ménages ?
Ils y gagneront incontestablement, même si, dans le même temps, les niches fiscales seront supprimées. La diminution des impôts, y compris pour les plus riches, est une évolution souhaitable dès lors qu’elle a pour pendant une stratégie énergique de réduction des dépenses publiques. A force de subir des hausses d’impôts à répétition, les Français sont devenus des traumatisés fiscaux ! Il faut attirer et conserver sur notre territoire ceux qui réussissent. Mettons en oeuvre une politique audacieuse d’attractivité fiscale. Avec le Brexit et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, nous avons aujourd’hui une fenêtre de tir pour attirer chez nous nombre de créateurs et dirigeants d’entreprise. Saisissons cette chance ! * Economiste, président du cabinet Asterès.