L’apostrophe de Jean-Christophe Buisson/Ecrans
CHERS CINÉASTES FRANÇAIS, pourquoi diable êtes-vous incapables de réaliser des films historiques sur nos grands hommes comme les Anglo-Saxons savent si bien le faire sur les leurs ? Prenez Churchill, de Jonathan Teplitzky (en salles le 3 juin). En 98 minutes et en s’appuyant sur un seul événement (la préparation du Débarquement en juin 1944), le réalisateur australien (à qui on doit deux épisodes de la remarquable série télévisée Broadchurch) parvient à restituer l’entièreté du caractère du Vieux Lion britannique. Sa vanité, son narcissicisme, sa générosité, son alcoolisme, sa cruauté, son sens de la formule dévastatrice, sa suffisance, sa détermination, son orgueil. Mais il y a plus. Oubliez le fier Churchill promettant « du sang, de la sueur et des larmes ».
Ici, sous les traits du fabuleux Brian Cox, on suit ces moments au cours desquels le Premier ministre britannique est insupportablement réduit au rang de simple témoin de la puissance militaire américaine s’ébrouant. Et comment il se démène pour lutter contre ce déclassement. Incroyable Churchill/Cox qui, hanté par le souvenir douloureux du débarquement raté qu’il avait organisé dans les Dardanelles en 1915, en vient à prier le ciel que les conditions atmosphériques empêchent les jeunes garçons de son pays (« des enfants ! ») de se précipiter vers une mort certaine. Inimitable Churchill qui, à 69 ans, bataille pour monter sur un des navires de guerre en route vers les plages normandes. Impayable Churchill prêt à en remontrer aux généraux Eisenhower et Montgomery, mais qui cède aux remontrances de sa femme, Clementine, quand elle lui demande d’arrêter de boire (façon Brigitte Macron demandant à son futur président de mari d’arrêter de « manger des saloperies »).
Au-delà de ses qualités de mise en scène et d’interprétation, ce vrai-faux biopic est une belle leçon politique dont l’objet serait de répondre à cette question : comment donner de l’espoir quand on n’en a pas ? La question est aussi valable en 2017 qu’en 1944. Post-apostrophum : Winston Churchill à sa femme : « Etre chef, ce n’est pas facile ! » Clementine Churchill : « Etre l’épouse d’un chef non plus ! »