De notre correspondant... à New York
Alors, qu’est-ce que j’ai raté depuis mon départ ? » Sorti de la scène politique après une ultime poignée de main le 20 janvier avec son successeur Donald Trump, Barack Obama n’a rien perdu de son humour pince-sansrire. Tandis que la crise de nerfs guette Washington, empêtré dans les psychodrames et les intrigues de palais, l’ex-président démocrate arbore un sourire éclatant et un teint hâlé, reliquats de trois mois de villégiature à Palm Springs, dans les îles Vierges avec le milliardaire Richard Branson, en Polynésie française puis en Toscane. Ces « vacances au soleil » étaient prévues de longue date, en guise de sas de décompression bienvenu avant de plonger dans un exigeant projet littéraire : un contrat de 65 millions de dollars aurait été signé avec Penguin Random House pour les Mémoires du couple Barack et Michelle. Installés sur les hauteurs cossues de Kalorama, dans les faubourgs de Washington, pour laisser le temps à leur cadette Sasha, 15 ans, de boucler son lycée, les époux Obama consacrent une bonne part de leur temps au « centre présidentiel » qui verra le jour dans le South Side de Chicago, près de Jackson Park, et dont les plans architecturaux ont été dévoilés le 3 mai. Pour l’érection de ce complexe futuriste à l’horizon 2021 et conçu comme un hub populaire, une levée de fonds estimée à 500 millions de dollars a déjà reçu les premières donations de grands mécènes démocrates, tels que John Doerr et Reid Hoffman (LinkedIn).
Obama jure qu’il tient à éviter l’écueil « de ces bâtiments sans vie où on traîne les écoliers », mais sa popularité intacte lui interdit toute marche arrière. « A l’instant où vous cessez d’être pharaon, vous êtes obligé de construire une pyramide », écrit joliment Amy Davidson, dans le New Yorker. Comme Jimmy Carter avant lui, Barack Obama a inauguré une Fondation Obama qui multiplie les actions de charité et les interactions avec le monde extérieur. C’est ainsi qu’il se rend à Edimbourg, en Ecosse, ce 26 mai, au lendemain d’une intervention à Berlin, au côté de la chancelière Angela Merkel dans le cadre d’une conférence sur la démocratie.
Cette réapparition sur la scène publique a soulagé ses pairs du Parti démocrate, soucieux de mobiliser les poids lourds en vue de la prochaine campagne présidentielle, en l’absence de nouveau leader charismatique. Mais la joie fut de courte durée : le 26 avril, la rumeur se propageait que l’ancien chef de l’Etat prononcerait un discours en septembre sur la réforme de la santé, à l’invitation de la firme de Wall Street, Cantor Fitzgerald. Pour la coquette somme de 400 000 dollars, soit près de deux fois plus qu’Hillary Clinton et ses speechs à 225 000 dollars chez Goldman Sachs en 2013, qui lui causèrent tant de tracas l’an passé.
Pour le camp démocrate, désireux de retisser des liens distendus avec la frange de l’électorat passé chez Trump avec armes et bagages, la nouvelle est catastrophique, accréditant l’idée que « même Obama » ne serait pas le preux chevalier blanc qu’il prétend être. « C’est du plus mauvais goût », s’indigne le sénateur Bernie Sanders, pourfendeur de Wall Street. De ces critiques, Barack Obama n’en a cure. Il tient ses engagements, multiplie les projets et les expériences nouvelles, en se fixant une règle absolue : ne jamais prononcer le nom de Donald Trump, pour éviter toute polémique avec le locataire de la Maison-Blanche. La critique est plus subtile : après que Trump avait laissé entendre sa préférence pour Marine Le Pen durant la campagne présidentielle française, Obama avait répondu du tac au tac, dans une vidéo de soutien à son « ami » Emmanuel Macron. Une première incursion dans la politique internationale, avant celle attendue au profit d’Angela Merkel, lors des élections générales de septembre outre-Rhin, puis un soutien actif aux jeunes pousses démocrates tentés de reprendre le contrôle du Congrès américain en 2018. L’Amérique n’en a pas encore tout à fait fini avec Barack Obama. Et réciproquement.
À NEW YORK, MAURIN PICARD
Il ne prononce jamais le nom de Donald Trump