Le match : Eric Kayser vs Banette
Le 18 mai dernier, la 4e édition du concours national de la meilleure baguette de tradition française était remportée par la Japonaise Mei Narusawa. La jeune femme de 34 ans, qui travaille dans une boulangerie de Mertzwiller, en Alsace, a fait ses armes dans les laboratoires d’Eric Kayser – au Japon et en France. Plus tôt, en avril, c’est Joaquim Da Costa, artisan à Chartrettes, près de Melun, qui recevait la Banette d’Or 2017. Eric Kayser et Banette, deux grands noms du pain français, sont également, chacun à leur manière, des modèles de réussite économique. Le premier a construit en vingt ans un empire de la baguette, avec 150 boutiques dans le monde ; le second est parvenu à fédérer dix grands meuniers régionaux et à tisser un réseau de quelque 2 600 artisans boulangers français. S’il avait été japonais, Kayser aurait été érigé en « trésor vivant » dans un pays où il a commencé son ascension en 2001 avec l’ouverture de sa première boutique nippone – il en a aujourd’hui 32, rien qu’au pays du Soleil-Levant. Banette, de son côté, a imprégné le quotidien des Français depuis trente ans après avoir sauvé la baguette même en créant cette fédération dans les années 1980. Mais alors que la consommation nationale de pain baisse chaque année (120 g/ jour aujourd’hui contre plus du double il y a cinquante ans), conserver sa compétitivité comme chaîne de boulangeries artisanales relève de la gageure – de surcroît avec l’émergence des régimes alimentaires sans gluten et la multiplication en zone urbaine des points de vente de boulangeries industrielles telles que Paul ou La Mie Câline. Car si le marché reste dominé par les artisans qui en détiennent 60 % des parts, les industriels gagnent du terrain. Une réalité qui force l’ensemble des acteurs à se réinventer. « Depuis six ans, il arrive à la boulangerie ce qui est arrivé dans le monde de la restauration, racontait au Figaro Bernard Boutboul, président du cabinet d’études Gira Conseil, spécialisé dans le marketing de la restauration. On assiste à une polarisation autour du low cost d’un côté et du premium de l’autre. Et il n’y aura pas de place pour ceux qui sont au milieu. » Et là encore, chacun à sa manière, Kayser et Banette oeuvrent pour se démarquer. L’un continue de se développer, en France comme à l’étranger, notamment avec l’ouverture de boutiques-restaurants haut de gamme. L’autre mise sur son école interne, l’école Banette : un programme de formation accélérée à destination des jeunes ; 84 % des élèves se sont ensuite établis comme artisans avec leur propre enseigne affiliée Banette.
VINCENT JOLLY