La page d’histoire de Jean Sévillia
Au cours de l’été 1940, l’abbé Franz Stock, recteur avant-guerre de la Mission catholique allemande de Paris, retourne dans la capitale occupée afin d’y reprendre ses fonctions. A l’automne, nommé aumônier militaire de la Wehrmacht, il oriente son ministère dans une nouvelle direction : la visite et le soutien aux Français détenus par les Allemands dans les prisons du Cherche-Midi, de la Santé et de Fresnes. Une mission qu’il assurera jusqu’à la libération de Paris, portant assistance à des centaines de résistants. De décembre 1941 à septembre 1944, le prêtre a tenu un journal qui était resté inédit. Il y consignait chaque jour, en quelques mots ou quelques lignes, ses visites aux prisonniers, les réactions des condamnés à mort qu’il accompagnait au supplice, ses échanges avec les familles. Aux catholiques, il apportait le réconfort de la religion. A ceux qui avaient perdu la foi de leur jeunesse, il proposait, face à la mort, une ultime démarche de conversion. A tous les autres, croyants ou non, chrétiens ou non, il offrait une main fraternelle qui était rarement refusée. Son journal risquant de tomber aux mains de la Gestapo, l’abbé Stock restait discret dans ses écrits. Transpirait néanmoins, dans ses dramatiques annotations, son admiration pour le courage de la plupart des fusillés du mont Valérien. « En pleine guerre, dira plus tard le père Riquet, un ancien déportérésistant, l’Allemand qu’était Franz Stock s’est fait le serviteur et l’ami de ceux-là mêmes que son gouvernement considérait comme ses pires ennemis. » En août 1944, ayant tenu à rester à Paris avec 600 blessés allemands intransportables, l’abbé Stock sera fait prisonnier. Transféré dans un camp tenu par les Américains à Cherbourg, il reprendra la rédaction de son journal. Puis, de 1945 à 1947, il sera chargé d’animer un centre où seront rassemblés, près d’Orléans, puis à côté de Chartres, plusieurs centaines de séminaristes allemands, dont il organisera la formation. La troisième partie de ce Journal de guerre évoque ce « séminaire des barbelés » qui recevra la visite du nonce en France, Mgr Roncalli, le futur Jean XXIII. Malade, épuisé, Franz Stock mourra en 1948, à 43 ans. « Archange en enfer », cette âme de feu brûlée de charité est aujourd’hui l’objet d’un procès en béatification. Journal de guerre, 1942-1947. Ecrits inédits de l’aumônier du mont Valérien, de Franz Stock, Cerf, 438 p., 24 €.