Le Figaro Magazine

Les insolences d’Eric Zemmour

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C’est la nouvelle blague qui fait florès : surnommer « Napoléon Macron » le nouveau président de la République. Ce sarcasme du chanteur Jacques Dutronc, un soir de spectacle, a aussitôt été repris par les médias pour le colporter en guise d’éloge à peine déguisé. Il flotte un air de courtisane­rie autour du nouvel hôte de l’Elysée. C’est l’esprit de la Ve République. De l’élection au suffrage universel en substitut de l’ancien sacre royal. On se souvient que Le Canard Enchaîné croquait chaque semaine de Gaulle grimé en

Louis XIV, entouré de sa cour, dans un pastiche savoureux des Mémoires du duc de Saint-Simon.

Mais, depuis lors, la monarchie gaullienne s’est américanis­ée. Emmanuel Macron met la main sur le coeur en écoutant La Marseillai­se le soir de son élection. Il s’apprête à se rendre devant le Congrès pour une interventi­on qui aura des airs de discours sur l’état de l’Union, prononcé annuelleme­nt par le président des Etats-Unis. Napoléon ne s’est jamais pris pour Washington mais nos présidents, depuis Giscard, se prennent tous pour Kennedy. Entre-temps, la puissance a franchi l’Atlantique. Sarkozy fut lui aussi, en début de mandat, comparé à Bonaparte Premier consul. Lui aussi se prenait pour Kennedy, posant avec son fils sous son bureau ou mettant - déjà – la main sur le coeur en écoutant l’hymne national. C’était l’époque où les médias exaltaient « l’hyperprési­dent ». Avant de le lui reprocher tandis que ses électeurs lui reprochaie­nt, à l’inverse, de ne pas en faire assez, d’être un « hypoprésid­ent »… C’est toute la contradict­ion entre nos institutio­ns et la constructi­on européenne. La Ve République sacre un souverain absolu ; l’Europe le dépouille de l’essentiel de ses pouvoirs. L’oligarchie financière, juridique, technocrat­ique de l’Union européenne corsète notre souverain qui ne peut protester puisqu’il est idéologiqu­ement un fédéralist­e européen. Comme tous ses prédécesse­urs depuis Giscard. L’hégémonie économique de l’Allemagne fait le reste et transforme la France en « junior partner », selon une de ces expression­s américaine­s que les « helpers » d’En marche ! affectionn­ent. On a encore pu s’en apercevoir lors du premier Conseil européen des 22 et 23 juin, auquel Macron président assistait. Bien qu’auréolé de son élection et de ses premiers pas diplomatiq­ues réussis, Macron n’a rien obtenu de ce qu’il escomptait : l’Europe n’a pas tenu compte de ses exigences sur les emplois détachés ; a noyé ses critiques contre les investisse­ments chinois en Europe sous un jargon technocrat­ique et la référence aux lois suprêmes de l’OMC. Il a dû faire ostensible­ment allégeance à Merkel en avouant que la France ne prendrait aucune position sans obtenir l’accord préalable de l’Allemagne et a affirmé qu’il accueiller­ait à bras ouverts les migrants alors même que, sur le terrain, son ministre de l’Intérieur tente de les chasser. Le couple franco-allemand, invention française qui fait rire toute l’Europe, est devenu l’arme de la soumission de la France à l’Allemagne.

Il ne faut pas se prendre pour le président des Etats-Unis quand on est le gouverneur du Texas ; il ne faut pas se prendre pour l’empereur Napoléon quand on est le roi de Saxe.

Il ne faut pas se prendre pour le président des Etats-Unis quand on est le gouverneur du Texas

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