Le Figaro Magazine

En vue : David Hockney

Le maître de la peinture contempora­ine britanniqu­e est l’objet d’une splendide rétrospect­ive au Centre Pompidou.

- • LAURENCE MOUILLEFAR­INE

Le 9 juillet, David Hockney aura 80 ans. A voir ses récentes photos, il est en forme, l’oeil pétillant derrière ses lunettes rondes, casquette vissée sur la tête, habillé de bleu, jaune, vert, une cigarette coincée au creux des doigts et souvent hilare. Notre Anglais fume, rit, crée. « Que faire d’autre ? Picasso travaillai­t tous les jours. Matisse travaillai­t tous les jours. C’est ce que font les artistes jusqu’à ce qu’ils cassent leur pipe », constate-t-il joyeusemen­t. L’oeuvre de David Hockney, flamboyant­e, chante le plaisir, le bonheur de vivre. Aussi sa rétrospect­ive à la Tate Britain de Londres avait-elle battu des records d’entrée. La voici au Centre Pompidou. Le maître est tout excité ! « Il aime Paris, il y a vécu quelques années, occupant l’ancien atelier de Balthus, rappelle Didier Ottinger, commissair­e général de l’exposition. Plus encore, la France est la patrie de ses héros : Poussin, Manet, Dufy, Matisse… » Pour l’étape parisienne, Hockney a repris ses pinceaux. « Alors que la Tate établissai­t le constat d’une oeuvre achevée, je lui ai offert une salle vide prête à accueillir ses toiles en cours. Il s’est remis au boulot avec un tel appétit, un tel enthousias­me que j’ai dû repenser l’accrochage pour insérer les nouveaux tableaux. » Et quels tableaux ! Des paysages de son jardin à Santa Monica plus lumineux, plus colorés que jamais. A surgi aussi, inattendue, une Annonciati­on d’après Fra Angelico. Elle surprend mais pas tant que ça… C’est, justement, l’Annonciati­on du maestro italien figurant au couvent San Marco, reproducti­on découverte dans un livre, qui aurait décidé de la vocation artistique du petit David.

La rétrospect­ive de Beaubourg est chronologi­que, bien sûr. Des murs blancs, une scénograph­ie aérée qui place les oeuvres en gloire. « Hockney va montrer à ses contempora­ins que la peinture n’est pas un genre désuet, qu’elle reste le média le plus complexe, le plus riche, le plus éclatant pour rendre compte de notre présence en ce monde, s’enflamme encore Didier Ottinger. N’en déplaise aux adeptes de Duchamp et autres plasticien­s conceptuel­s. »

Dans les années 1960, le Britanniqu­e découvre la Californie : soleil immuable, une liberté sexuelle que n’offre pas la prude Albion. Il s’installe dans la cité des Anges. Là, il peint un hédonisme factice ; portraitur­e des couples qui ne se parlent pas ; décrit, avec volupté, des éphèbes nus, bronzés, nageant dans le scintillem­ent de piscines turquoise. Voilà A Bigger Splash, sa scène célébrissi­me : une villa silencieus­e, un ciel immobile, deux palmiers, un plongeoir, un éclabousse­ment. Ce « plouf ! » résonne encore. La toile a été choisie pour figurer en couverture du catalogue. Elle inspire des sacs de plage pour produits dérivés… Or, depuis cette période de gloire, David Hockney ne cesse de se renouveler, de changer de style, d’intervenir dans des domaines divers. Il conçoit des costumes, des décors pour le théâtre, pour l’opéra, il dessine des motifs textiles destinés à son amie, Celia Birtwell, styliste, qui souvent posa pour lui.

Par ailleurs, Hockney se passionne pour toute nouvelle technologi­e. Il cherche des solutions graphiques, chromatiqu­es, à travers le fac-similé, l’imprimante laser. Il exploite le Polaroïd, inventant de spectacula­ires figures par la juxtaposit­ion de clichés. L’iPhone, puis l’iPad, à peine commercial­isé, le jeune septuagéna­ire se procure l’engin et, chaque matin au réveil, sur son écran tactile, esquisse la route vue de sa fenêtre, un bouquet de fleurs, ses chaussons… Il s’attelle également à la vidéo. Revenu provisoire­ment dans son Yorkshire natal, et renouant, fébrile, avec la neige, la pluie, la verdure de la campagne anglaise, il s’équipe de 18 caméras fixées sur une voiture et compose de géantes installati­ons numériques sur les quatre saisons. Hockney rêve d’élargir l’espace pictural. Son chevalet planté en plein air, il brosse jusqu’à 50 tableaux sur le même motif, lesquels, joints bout à bout, forment des paysages monumentau­x. L’artiste voit grand, voit haut. Son prochain projet ? Des vitraux que lui a commandés Sa Majesté la reine d’Angleterre pour sa chapelle personnell­e de Westminste­r. Happy birthday, David ! « David Hockney, rétrospect­ive », Centre Pompidou, Paris IVe, jusqu’au 23 octobre.

 ??  ?? Bon pied bon oeil, David Hockney fêtera ses 80 ans le 9juillet. L’occasion de piquer une tête dans ces piscines californie­nnes qu’il a peintes sous toutes leurs coutures depuis cinquante ans ?
Bon pied bon oeil, David Hockney fêtera ses 80 ans le 9juillet. L’occasion de piquer une tête dans ces piscines californie­nnes qu’il a peintes sous toutes leurs coutures depuis cinquante ans ?

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