Le Figaro Magazine

ANNIE AIME LA GÂCHETTE

- NICOLAS UNGEMUTH

Que font les écrivains de gauche lorsqu’ils n’écrivent pas ? Du macramé, des sudokus ? Des tours Eiffel en allumettes ? Pas du tout. Loin d’eux ces activités triviales. En réalité, pour ne pas disparaîtr­e des radars, ils ont trouvé une activité épatante : ils signent des pétitions. La pétition est un moyen efficace pour se battre sans aller au combat. C’est aussi une lutte dans laquelle on ne s’expose pas trop car les pétitions comptant une seule signature étant rares, le pétitionna­ire se retrouve accompagné de plein d’autres noms soutenant la même cause.

En France, la pasionaria des pétitions se nomme Annie Ernaux. Inventeur – ou faut-il dire inventeure, inventeuse, inventrice ? – autoprocla­mée du genre dit « autofictio­n » (chacun sait pourtant que Proust et Céline ont inventé le machin quelque temps avant elle avec des résultats plus probants), Annie Ernaux écrit peu, alors elle signe des pétitions : elle cause plus, elle flingue. Après avoir voulu et eu la peau d’un éditeur officiant dans sa propre maison d’édition – Richard Millet, qui n’avait rien fait d’autre que de ne pas penser comme tout le monde –, la sainte Thérèse des tribunes vient de signer une pétition contre Jean Birnbaum. Lequel peut difficilem­ent passer pour un dangereux nazi en puissance dans la mesure où il dirige le cahier littéraire du Monde. Qu’avait fait cet odieux journalist­e pour mériter pareille mise au banc ? Il avait soulevé les dérives de Houria Boutledja, furieuse pythie obsédée par les Juifs, les Blancs et les crimes coloniaux. Gare, on murmure qu’elle va bientôt pétitionne­r contre ceux qui se lèvent tard ou qui trouvent la baguette trop chère. Il est vrai que l’art de la délation étant une spécialité nationale, Annie Ernaux est une bonne Française.

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