LE TEMPS DE VIVRE ?
Voilà bientôt deux ans que la jeune escouade de Limite cherche, dans la compulsion contemporaine, à préserver les trésors familiers qui ordonnent une civilisation. Limite, c’est une esthétique : un savant désordre ; un état d’esprit : la confrontation à l’époque ; un ton : celui de la liberté. En ce mois de juin, la revue d’écologie intégrale s’intéresse au temps : temps qui passe, temps perdu, temps qui, de nos jours, s’emballe. Elle nous propose de profiter de l’été pour marquer un temps d’arrêt.
Le temps, c’est d’abord le rythme du monde. Autrefois calé sur celui de la terre et des saisons, il s’est emballé explique Fabrice Hadjadj en adoptant le tempo « technologico-financier » de la modernité. Le temps lui-même est devenu de l’argent : il faut en gagner toujours plus. Au rythme de l’escargot, Natacha Polony livre une belle méditation sur la littérature, refuge des antimodernes tant elle cherche ce qui est permanent, ce qui est éternel, même dans les mouvements des êtres et du monde. La politique aussi est devenue une frénésie. Marcel Gauchet en appelle au calme et s’inquiète de l’impatience des déconstructeurs et de l’hubris de certains transhumanistes. Ils brouillent les limites, explique-t-il, plus qu’ils ne les repoussent. L’intellectuel, cependant, pense que la génération Limite a un magnifique défi devant elle : « retrouver les repères du passé dont nous sommes privés, à travers un grand effort de volonté collective ». Comment parler du temps sans se plonger dans les aphorismes lumineux de Gustave Thibon ? C’est aussi ce que propose ce numéro. « Tout ce qui n’est pas de l’éternité retrouvée est du temps perdu. » Le miracle du temps retrouvé apparaît dans des demeures où les hommes et le temps se sont réconciliés, ceux-ci cessant tout simplement de courir après celui-là : le monastère de La Clarté Notre-Dame, dans la Drôme provençale, et celui de Solan, dans le Gard. Ces athlètes de la vie intérieure vivent au rythme des prières, des travaux et des jours.
Dans les pages culture, on découvre les travaux du photographe et dessinateur Marc Dekeister, qui trafique ses films polaroïds pour obtenir des photographies d’une étonnante beauté. « Ces formes chimiques et ces couleurs sont déjà dans la photo, et mon travail est de découvrir où elles sont cachées. » Découvrir ce qui est caché : c’est ce que propose de faire Limite cet été, en prenant le temps de vivre.
VIANNEY PASSOT Limite, n° 7, 112 p., 10 €.
Le temps est devenu de l’argent : il faut en gagner toujours plus